L’extension du Musée Fabre
C’est avec surprise que le 3 avril 1880, Alexandre Laissac, maire de Montpellier, découvre dans son courrier une lettre d’un dénommé Lange Guglielmo, statuaire installé à Paris. L’artiste demande, avec un peu d’empressement, les dimensions, le plan d’ensemble et tous les documents nécessaires à la fabrication de la statue qu’il est chargé d’effectuer pour le musée. Une statue pour le musée ? Le maire lancé dans plusieurs grands travaux, dont le marché de la place de l’Observatoire et du nouvel hôpital suburbain Saint-Éloi, croyait bien en avoir terminé avec les travaux d’extension du musée Fabre lancés en 1875. Un nouveau pavillon donnant sur l’Esplanade relie, par une galerie, les bâtiments anciens du musée, dont l’entrée principale se trouve rue Montpelliéret. L’ensemble permet notamment d’abriter la nouvelle galerie Bruyas et les classes de l’école des Beaux-Arts. Les groupes sculptés sur le fronton du bâtiment ont été confiés au Montpelliérain Auguste Baussan. Trois niches situées sur la façade latérale, doivent encore, effectivement, accueillir les statues de grands peintres montpelliérains. Mais c’est le ministère qui suit directement le dossier, et à part faire renvoyer quelques croquis par ses services, le maire de Montpellier ne peut pas aider l’artiste davantage.
Une erreur du Ministère
Un mois plus tard exactement, un courrier du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, au préfet de l’Hérault, vient changer la donne. Une erreur commise dans les bureaux parisiens a oublié de mentionner au maire de Montpellier qu’il devait acquitter le tiers de la somme dûe aux artistes, soit un montant global de 4 500 francs. Alexandre Laissac en découvre au passage leurs noms : Lange Guglielmo, Jean-Barnabé Amy et Raymond Barthélémy, respectivement chargés d’élaborer les statues de Jean Raoux, Joseph-Marie Vien et Sébastien Bourdon, grands maîtres de l'époque classique, tous trois nés à Montpellier. En hâte, le maire réunit le conseil municipal de la Ville qui accepte la dépense. Commence alors une correspondance incessante entre la Ville et les artistes réclamant précisions et détails techniques.
Les pierres de l’hôtel de Ville de Paris
Très vite, une question urgente se pose. La fourniture de la pierre. Pour le maire de Montpellier, la réponse doit être fournie par le ministère. Mais contrairement à ses prévisions, c’est encore la Ville de Montpellier qui doit acquitter la dépense, évaluée à 1 200 francs supplémentaires. L’hiver arrive, les risques de gelée vont freiner l’exploitation dans les carrières, expliquent les artistes qui se sont concertés et ont trouvé une pierre qui leur convient dans les environs de Paris. Les trois blocs en pierre de Tercé, leur sont fournis par l’entreprise Riffaud, prestataire de la reconstruction de l’hôtel de Ville de Paris, incendié par les communards en mai 1871. Les artistes peuvent enfin se mettre au travail. Et dès le mois d’octobre, M Kaempfen, inspecteur des Beaux-Arts pour le ministère, peut commencer ses visites dans les ateliers des artistes pour constater l’avancée des modèles et procéder aux premiers règlements.
Trois statues dans leurs niches
Il faut pourtant attendre le mois de septembre 1882 pour voir installés la grue de levage et de grands échafaudages sur la façade de la rue Montpelliéret. Dès le 30 septembre, le Petit Méridional se réjouit de voir la statue de Raoux déjà en place, « et sous peu de jours, l’opération sera terminée pour les deux autres. La statue de Sébastien Bourdon occupera le premier rang du côté de l’Esplanade, puis celle de Vien, et enfin celle de Raoux sera la plus rapprochée de l’entrée principale du musée ». L’incendie du grand théâtre au mois d’avril dernier, pousse vers l’Esplanade les promeneurs qui viennent assister aux représentations organisées dans un théâtre provisoire, ou rire au Guignol parisien qui lui fait concurrence. On admire au passage la beauté des grands hommes de pierre. Pour un peu, on se croirait dans la cour du Louvre ou à un angle de la rue Rivoli. Mais voilà qu’arrive la foire de la Toussaint. Et l’on repart vers les acrobates, les rires, la ménagerie et le musée de cire.
Le souvenir de Frédéric Peyson
À sa mort, l’artiste peintre et amateur d’art Frédéric Peyson (1807-1877) lègue par testament plusieurs sommes importantes destinées à sa ville natale, Montpellier. Sourd-muet suite à un accident dans sa petite enfance, il suit néanmoins une formation artistique qui lui ouvre les portes de l’école des Beaux-Arts de Paris. Le financement par la Ville de Montpellier, des frais d’exécution des statues de Jean Raoux, Joseph-Marie Vien et Sébastien Bourdon, sera prélevé sur le don généreux de 10 000 francs que Peyson a concédé au musée Fabre « sans affectation spéciale ». Plusieurs de ses toiles et dessins sont conservés dans les collections du musée.