Pouvez-vous nous présenter NXO ?
Vincent Bernad : C’est une cleantech fondée par César Narvaez, implantée depuis 2016 à Cournonsec et qui travaille sur plusieurs secteurs de l’algoculture, du plus traditionnel (alimentaire, nutraceutique, cosmétique) aux plus innovants (assainissement et décarbonation). L'application la plus innovante concerne un prototype de stations d’épuration de nouvelle génération, à énergie positive et à empreinte carbone négative, utilisant le principe de « bioremédiation alguale », c’est-à-dire la décontamination des eaux usées grâce aux micro-algues. Une technologie lauréate en 2021 du concours d’innovation « I-NOV » porté par l’ADEME et la BPI dans le cadre des Projets d’Investissements d’Avenir.
Quelle a été votre formation et quel rôle assurez-vous au sein de l’entreprise ?
J’ai une formation d’Ingénieur en Génie de l’Environnement, complétée d’un diplôme en droit public et d’un master Urbanisme et aménagement. Je me suis intéressé très tôt à la question de l’eau. Dans le cadre de mes études, lors d’un BTS en gestion et maîtrise de l’eau. Puis au cours d’un premier emploi, où j’ai été amené à travailler sur la question des milieux naturels, des pollutions en rivière. Et c’est ainsi que l’eau est devenue mon cœur de métier. Je travaille chez NXO depuis 2020. Avec un quotidien partagé entre la recherche et le développement, mais aussi la prospection, ce qui m’amène à rencontrer de nombreux interlocuteurs, ingénieurs, responsables de collectivités, industriels…
Quels sont les retours sur les nouvelles solutions proposées par NXO ?
Il y a d’un côté, une grande curiosité qui tient à la nature disruptive de notre projet. Cela ne s’est jamais fait, donc ça intéresse. Et de l’autre, justement une égale frilosité. D’autant que les solutions utilisées actuellement pour le traitement des eaux usées fonctionnent depuis plus d’un siècle, avec de gros poids lourds qui se partagent traditionnellement ce secteur. Et que nous commençons juste la phase de commercialisation. Avec une première unité qui devrait être en opération dans le courant de l’année. C’est ce challenge qui reste exaltant. Avec le sentiment de participer à une aventure qui peut faire changer les choses dans ce domaine, et de manière très nette. Avec tout l’impact que cela peut entraîner pour le mieux-être de la planète. Car les technologies actuelles sont structurellement très gourmandes en énergie, renchérissant le prix de l’eau pour les collectivités. Et on considère que leur processus épuratoire est équivalent à 1 % des émissions globales de Gaz à effet de serre en France…
Pensez-vous qu’il est raisonnable de faire reposer sur la technologie la question des ressources ?
Certainement non. La technique a son rôle à jouer, mais de manière minoritaire. Et toutes les meilleures technologies du monde ne permettront pas de relever les défis actuels sans une indispensable sobriété. Les solutions, comme celles proposées par NXO permettent de participer à un effort collectif. Dire aujourd’hui que l’eau c’est la vie, et qu’il y a nécessité de la préserver, c’est plus qu’une évidence. Surtout à un moment où l’impact du changement climatique est prégnant. En 40 ans, faut-il rappeler que certaines de nos nos rivières méditerranéennes ont perdu jusqu’à 40 % de leur débit ? Et qu’en plus des questions de sobriété de nos usages, il faut aussi se poser celles du partage des ressources. Selon les chiffres de l’UNICEF, la consommation quotidienne en eau par habitant dans les zones résidentielles s’élève à 600 litres en Amérique du Nord, à près de 350 litres en Europe et seulement 10 à 20 litres en Afrique subsaharienne...
Parallèlement à votre carrière dans les métiers de l’eau, vous êtes également chanteur d’opéra
Oui, c’est une aspiration que j’avais depuis longtemps. Qui s’est concrétisée au gré des rencontres. À l’occasion notamment d’une audition à la Scala de Milan. Je me suis rendu compte que c’était un rêve accessible à tenter. J’ai donc repris tardivement la voie des études, auprès de professeurs de renom, croisant les personnalités du monde lyrique que j’admirais. Et puis j’ai eu mes premiers contrats. L’occasion de chanter le rôle de Papageno dans La Flûte enchantée de Mozart. Et des auditions qui s’annoncent en Europe, des propositions de récitals. Le rêve prend corps. Mais j’avoue que c’est assez inattendu à 40 ans.
L’eau qui inspira les artistes, musiciens, peintres, poètes, célébrant sa beauté et ses plaisirs, ne semble plus appréhendée aujourd’hui que sous le seul aspect de la ressource et des questions environnementales, géopolitiques…
Oui, c’est vrai, l’eau est un plaisir. Mais le plaisir ne doit pas faire oublier la responsabilité que nous avons, pour ne pas la souiller, en abuser, comme si son accès était illimité. Il y a 60 ans, nos grands-parents allaient au puits pour chercher l’eau. Aujourd’hui, elle coule au robinet. Tout semble facile, infini. Mais il y a une conscience à mettre derrière ce plaisir. On n’est plus dans le jubilatoire, mais au temps de la prise de conscience. Oui, il y a une limite aux ressources, oui il y a danger et si nous n’agissons pas aujourd’hui, c’est la génération de nos enfants qui en portera les conséquences. Par ailleurs, nous en portons déjà les conséquences, l'urgence n'en devient que plus impérieuse.
"L’eau est un plaisir. Mais il y a une limite aux ressources. Si nous n’agissons pas aujourd’hui, c’est la génération de nos enfants qui en portera les conséquences"
Quel message souhaiteriez-vous transmettre ?
La nécessité de remettre le collectif au sens du débat. Aujourd’hui, on pense à soi, à ses besoins, sans prendre en compte ceux des autres et aux répercussions que cela implique. On tape sur la ressource. On sait qu’on pollue, qu’on appauvrit, mais on fait trop peu pour changer. Nous sommes la seule espèce à pouvoir se mettre en danger de manière lucide et pourtant à continuer dans cette voie. Ça dit quand même beaucoup de nous, de cette course effrénée, notre incapacité à sortir du système. On ne peut pourtant plus agir comme si on était encore dans un siècle d’abondance. Le changement prend du temps. Mais c’est une ambition à avoir. Réfléchir, agir autrement, tous les jours. C’est dur, mais c’est possible et surtout incontournable. Fermer les yeux ne retardera pas l'inéluctable, alors autant se battre.