Sur la devanture est écrit "cuisine d'arrivage", quel est le concept ?
Guillaume Leclere : L'idée est valoriser les produits de saison et forcément les produits locaux, puisqu'on est quand même dans une région qui est assez riche en maraîchage et en fruits.
Il nous fallait trouver les partenaires qui puissent nous accompagner tout au long de l'année avec les produits de saison. Cela, sans forcément entrer dans le 100 % écolo, bio. L'important, c'était de créer une cohérence dans notre métier. Et pour cela, il fallait créer des liens avec les gens qui produisent ces légumes et pouvoir proposer le bon produit au bon moment à nos clients. C'est par logique et par éthique personnelle, mais je ne communique pas plus que ça sur le sujet. Parce que pour moi, ça paraît évident en cuisine et d'autant plus en gastronomie.
Le meilleur produit est forcément à côté de chez nous et au bon moment. Quand ce n’est plus la saison des petits pois, il ne faut pas aller chercher ailleurs. Ça me paraît cohérent.
Où trouvez-vous l'inspiration ?
G. L. : Je trouve l'inspiration devant les produits. Je suis incapable de réfléchir à une recette assis à table ou devant un ordinateur. Beaucoup arrivent à créer des recettes en dessinant, en écrivant... Moi, j'ai besoin de toute cette émulation qu'on peut avoir en cuisine, pendant la mise en place, pendant le service, d'avoir les odeurs, les produits.
Où achetez-vous vos produits ?
G. L. : À ma première adresse rue de la Valfère, je faisais le marché aux Arceaux principalement. J’allais à la rencontre des producteurs deux fois par semaine. Ça permettait de voir les produits tout de suite, de pouvoir les sélectionner au jour le jour. Avec le temps, ce sont les producteurs de Lattes, de Saint-Jean-de-Védas… qui sont venus nous solliciter, en nous disant, on peut vous livrer. Et puis des gens que j'ai rencontrés sur le marché, qui aujourd'hui nous livrent. On a tissé un réseau qui nous permet aujourd'hui d'avoir tous les bons produits de l'année, de chaque saison, au bon moment.
Et puis, franchement, je pars du principe qu'on les touche aussi au bon prix. Si c'est au bon moment et en local, c’est forcément un meilleur prix que de les faire venir de Rungis. Et puis, ça permet aux agriculteurs de pouvoir vivre de leur métier. Il est impératif que les gens qui produisent nos fruits et légumes vivent de leur métier. Le scandale qu'on constate depuis quelques semaines ou quelques mois, je ne comprends pas qu'on ouvre les yeux là-dessus seulement maintenant. Je suis fils d'agriculteurs et je sais que c'est quelque chose de vital. Et nous, en étant un maillon fort de la chaîne de l'alimentation, on doit s'assurer que ces personnes-là sont payées à leur juste prix. C'est pour cela que l'on doit éliminer les intermédiaires, comme nous le faisons.
"Il faut juste se dire qu'il faut consommer intelligemment et faire attention à ce que l'on mange"
Nous, on fait confiance aux partenaires avec lesquels on travaille. Côté viande, nous avons la traçabilité sur les élevages et sur l'abattage. Et donc, à partir de ce moment-là, on sait qu'on a des quotas. On sait que l'on ne peut pas travailler du bœuf toute l'année. On sait qu'il n'y a pas suffisamment de production pour ça. Par exemple, au printemps, on travaille l'agneau pendant deux mois.
C'était aussi l'idée d'avoir une proposition restreinte sur la cuisine, avec une carte simple qui se traduit, finalement, par un menu unique. Parce que, justement, on veut sélectionner le bon produit, le proposer au bon prix. Pour cela, on ne peut pas se permettre d'avoir cinq viandes différentes, six poissons différents et puis un apanage de fruits et légumes toute l'année. Notre engagement, justement porte là-dessus. Et pour pouvoir tenir nos engagements, il fallait réduire la proposition. Et en faisant ça, on a confiance en ce que l'on propose. Et on a une transparence absolue sur l'origine et la qualité des produits.
Quels produits travaillez-vous en ce moment ?
À partir de mai, on est sur les fèves, les pois gourmands... Honnêtement, on regorge de ces produits-là dans la région, je ne comprends pas qu'on puisse aller en acheter au Kenya. Il y a encore des fraises Gariguette et Cléry, ce serait dommage d'acheter des fraises espagnoles.
Au début de l’été, je cuisine de la volaille. À l'origine, la pintade est une volaille d'Afrique. Elle est de meilleure qualité l'été que l'hiver car elle a besoin de chaleur. Pour éviter de tomber dans des élevages intensifs qui surchauffent des hangars, on n'achète que des bêtes qui sont issues d'un élevage raisonné pour la plupart en extérieur et qui viennent d’Aveyron. Il n'y a que l'été où on peut espérer avoir des bêtes qui sont suffisamment grasses.
"Si on a rencontré le succès, je pense que c'est en grosse partie parce que l’on met beaucoup de transparence dans notre travail. On fait des choses avec le cœur et sincérité"
Et le poisson ?
Pour le poisson, le problème, c'est qu'aujourd'hui, en Méditerranée, on se rend compte qu'il y a de moins en moins de pêche. On prend un peu de poisson à la criée de Sète et pour le reste on ne sert que du poisson de ligne ou de petits bateaux, jamais de poisson de chalut ou de filet. Il y a des produits que l’on s’interdit de travailler. Tout l’hiver, on a fait du rouget, en mai et juin, ce sont les premiers thons rouges de Méditerranée qui arrivent. Et là-dessus, on veut de la traçabilité, on veut connaître la zone de pêche et on veut la bague. Justement, pour avoir de la transparence parce qu'il y a beaucoup de braconnages dans cette pêche-là. Les poissons qui sont bagués, sont issus d'une pêche contrôlée. On essaye à notre niveau d'être un acteur engagé. On peut participer à la bonne évolution des choses et on sait pourquoi on se lève tous les matins.
Quel est le supplément d’âme que vous apportez à votre cuisine ?
G. L. : Il ne faut jamais oublier la générosité et le « gourmandisme ». Parce qu'on peut faire une cuisine gastronomique et gourmande à la fois. Je trouve que c'est important. Le moment à table doit être convivial et passe donc par la gourmandise. Pour cela, il faut avoir une âme généreuse, avoir envie de faire plaisir. Toutes nos recettes passent par là. C'est-à-dire qu'on a des choses en tête, mais il faut toujours se projeter. Il faut à tout prix que le client, qui plante la cuillère ou la fourchette dans le plat, puisse se régaler et dire : "c'était très bon" ou même "excellent".
On fait des plats qui doivent être esthétiques, mais on ne fait pas des plats concours. C'est tout un équilibre entre le visuel et le gustatif. La part esthétique ne doit pas être plus importante. Il ne faut pas que ça soit trop cérébral. On fait parfois des accords qui sont un peu poussés, mais c'est juste au service du goût. On ne va pas chercher des accords sortis de n'importe où juste pour dire, on fait une cuisine moderne. Elle est moderne, certes, par le fait que l’on utilise peu d'ingrédients pour chaque recette, parce que l'assiette doit avoir le goût de ce que l'on a annoncé. À partir du moment où ça a le goût de ce qu'on a promis, je pense qu'on a fait le job !
Mais il faut que ça soit généreux. Il faut avoir envie de faire plaisir. C'est la différence entre vouloir plaire et vouloir faire plaisir.
Restaurant Leclere
Cuisine d'arrivage
8, rue André Michel - Montpellier
04 67 68 96 85 - arrivage@restaurantleclere.com
Tramway L3 Saint Denis et L3-L4 Observatoire / Parking : Gambetta