Ego pater tuus sum.*
Caeli per spatium, nemo te clamantem audire potest.**
Quanta potestas, tanta officia.***
Voici la traduction latine de quelques répliques cultes du cinéma américain. Mais sur les plateformes de streaming, les films ne sont pas doublés en latin ou en grec ancien. Pourtant, il y a mille ans, le latin était la langue de la culture, de la littérature et de la philosophie. Aujourd’hui encore, il reste un outil précieux pour mieux comprendre notre héritage.
Un club latin
À l'école Daviler-Kergomard de Montpellier, dès le CE2, les élèves peuvent s’initier aux racines du français, découvrir les dieux de l’Olympe ou apprendre les chiffres romains. Animé par Céline Delbrel, le club latin propose une immersion ludique dans l’Antiquité pendant le temps périscolaire. « Ce ne sont pas des cours de langue, précise la responsable éducative, licenciée de Lettres modernes. Nous transmettons les bases de l’héritage gréco-latin. » Depuis trois ans, cette initiative connaît un véritable engouement : une cinquantaine d’enfants y participent chaque année.
Pour cette rentrée de janvier, un nouveau groupe d'une douzaine d'élèves âgés de 8 à 11 ans a rejoint le club. Dès la première séance, ils apprennent que les Romains portaient trois noms, que le dernier était un cognomen (surnom) et que celui de Caius Julius Caesar venait peut-être d’un ancêtre né par césarienne. La fin de la séance est consacrée à une histoire mythologique racontée par Céline. Les enfants réclament celle du Minotaure. Et les voici en Crète, enfermés dans un labyrinthe avec Thésée et s'échappant grâce au fil d'Ariane.
Un atout au lycée
Les premiers cours de latin au collège débutent en 5e, une option reconduite jusqu’en 3e. Si une grande part est laissée à l’histoire de la civilisation, les élèves se frottent à la grammaire et aux déclinaisons (rosa rosa rosam…). À la rentrée 2022, près de 16 % des élèves de cinquième étudiaient le latin en France. Cette part diminue à chaque niveau supplémentaire et n'est déjà plus qu'à 11,6 % en troisième. En classe de seconde, les élèves ne sont plus que 3 % à pratiquer le latin et seulement 2,4 % arrivés en terminale.
Bonaventure Cichy, élève au lycée Champollion à Lattes, fait partie des rares lycéens à poursuivre l’option latin jusqu’en terminale. « J’aurais trouvé dommage d’arrêter en seconde, alors que je commençais à bien comprendre. J’ai deux heures de plus dans mon emploi du temps, mais ça en vaut la peine : cela m’apportera des points supplémentaires au bac. » Lire Cicéron, Virgile ou Sénèque permet non seulement d’accéder aux textes originaux, mais aussi de développer son esprit logique et sa rhétorique. « Le latin m’aide en français : je structure mieux mes arguments et m’exprime plus clairement ».
Tradition et modernité
À l’université Paul Valéry Montpellier 3, l’apprentissage du latin s’inscrit dans la licence Humanités, en particulier pour les étudiants en Lettres classiques. Chaque semestre, 300 étudiants suivent 45,5 heures de formation en langue latine, auxquelles s’ajoutent des enseignements connexes, comme la grammaire comparée, la littérature antique, les mythes et la civilisation. « Il n’est pas nécessaire d’avoir étudié le latin pour suivre ces cours, précise Aline Estèves, maîtresse de conférences en langue et littérature latines. Nous reprenons tout depuis le début. Tout est mis en œuvre pour rendre cet apprentissage accessible, dynamique et utile pour de nombreux parcours professionnels. » Ce cursus mène aux concours de l’enseignement (CAPES, agrégation) mais ouvre aussi des portes vers d’autres carrières : muséographie, médiation culturelle, conservation du patrimoine…
Même "antique", le latin s’adapte aux nouvelles technologies. Paul Valéry est un pionnier de l’enseignement en ligne : depuis plus de dix ans, des plateformes comme Moodle permettent d’accéder à des cours en visioconférence, des exercices interactifs et des ressources collaboratives. Une méthode d’apprentissage numérique a même été développée pour les étudiants ayant déjà des bases solides. Car si les Romains n’avaient pas d’ordinateur, le latin, lui, continue d’évoluer !
* Je suis ton père.
** Dans l'espace, personne ne vous entend crier.
*** De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités.