Marc Azéma, de la préhistoire au jeu vidéo

07-12-25 - 06:30
Il sera à la médiathèque Émile Zola le mercredi 10 décembre pour présenter son dernier documentaire : « Jordan, itinéraire d’un pionnier » soutenu par la Métropole. Le portrait immersif de Jordan Mechner, un Américain installé à Montpellier, créateur du cultissime jeu vidéo « Prince of Persia ». Rencontre avec le réalisateur Marc Azema, préhistorien passionné d’images au parcours atypique.
MArc Azema dans une grotte
© P. Psaila
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Qui êtes-vous Marc Azéma ?

Marc Azéma : Je suis né à Narbonne il y a 58 ans. Passionné de BD, d’images, d’art narratif animé, de cinéma... Je fais partie de cette génération qui découvrait dans les années 80-90 le jeu vidéo, le début de l’informatique, des consoles… Je me suis nourri de tout ça isolé dans ma chambre de petite ville de province.

Quand avez-vous débarqué à Montpellier ?

M. A. : À l’âge de 18 ans, après un bac scientifique, pour faire des études de pharmacie. Mais je passais plus de temps dans les salles de cinéma… Du coup, j’ai fait un double cursus histoire de l’art - audiovisuel. En histoire de l’art, je découvre l’archéologie, je me passionne pour la préhistoire et plus spécialement pour l'art des cavernes… En 2003, je fais un doctorat en préhistoire - archéologie à Aix en Provence. Le travail de quinze ans de ma vie !

Livre
Un voyage à travers l’art universel, sur tous les continents, des images de la grotte Chauvet aux films de Méliès - © Actes Sud

Quel était votre terrain de "jeu"?

M. A. : J’ai participé à des fouilles dans de nombreuses grottes. J’ai notamment fait partie de l’équipe scientifique de la grotte Chauvet en Ardèche jusqu’en 2017. Avec Jean Clottes et d'autres spécialistes, j'ai eu la chance de relever les plus anciennes images de l’humanité. Ce site phare m’a beaucoup apporté dans mes recherches.

Quelles sont vos recherches ?

M. A. : Je m’intéresse aux origines de l’image. Je m’interroge sur son passé, son présent et son avenir. J’ai étudié la représentation du mouvement dans l’art des cavernes. J'ai démontré que les premières images de l’humanité servaient à raconter des histoires en images. J’ai publié un ouvrage grand public sur mes recherches intitulé La Préhistoire du cinéma (éditions Actes Sud) où je mets notamment en évidence un « thaumatrope », un jouet optique, qui démontre que dès - 15 000 ans, on a un système qui permet de parvenir à la synthèse du mouvement, c’est-à-dire le cinéma…

Marc Azema et Jean Clottes dans la grotte Chauvet en 2012
Marc Azema et Jean Clottes dans la grotte Chauvet en 2012 - © D.R.

Quand avez-vous réalisé votre premier documentaire ?

M. A. : Dès 1997, je réalise des documentaires axés sur le patrimoine archéologique, avec la société Passé Simple à Narbonne (pour laquelle je travaille toujours), dans lequel j’utilise des images de synthèse 3D pour reconstituer le passé. Le premier sera Une maison romaine à Narbonne avec notamment une visite virtuelle en plan séquence de six minutes qui sera une première en France. D’autres réalisations suivront. Celle qui a connu à ce jour le plus de succès, c’est Quand homo sapiens faisait son cinéma en 2014 pour ARTE.

Que raconte-t-elle ?

M. A. : Ce documentaire me tenait particulièrement à cœur car il explique mes propres recherches et qui je suis. C’est une vitrine de mon travail sur les origines préhistoriques du cinéma et de la narration graphique, qui a été primé dans de nombreux festivals.

Comment êtes-vous passé de la préhistoire au jeu vidéo ?

M. A. : Je suis nourri par la culture de l’image. J’ai par exemple déjà réalisé deux documentaires sur le roi de la bande-dessinée américaine, Jack Kirby pour France 3. Il est venu combattre en France durant la seconde Guerre Mondiale et au retour de ces scènes d’horreur, il a créé la mythologie des super héros Marvel. Mais le déclic a eu lieu lors du Covid. Pendant le confinement, je me suis lancé sur un nouveau projet, un scénario sur l’histoire du jeu vidéo en France, La French touch du jeu vidéo, des années 80 à 2000. Un gros boulot historique toujours en cours. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Jordan Mechner

Affiche
Tournage à New York chez le père de Jordan Mechner
Tournage à New York chez le père de Jordan Mechner - © Marc Azema
Place de la Comédie dessinée par Jordan Mechner, extrait du documentaire
Place de la Comédie dessinée par Jordan Mechner, extrait du documentaire - © Jordan Mechner
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© Marc Azema
Sur la plage de Carnon, extrait du documentaire
Sur la plage de Carnon, extrait du documentaire - © Marc Azema
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Affiche
Tournage à New York chez le père de Jordan Mechner
Tournage à New York chez le père de Jordan Mechner - © Marc Azema
Place de la Comédie dessinée par Jordan Mechner, extrait du documentaire
Place de la Comédie dessinée par Jordan Mechner, extrait du documentaire - © Jordan Mechner
Place de la Comédie
- © Marc Azema
Sur la plage de Carnon, extrait du documentaire
Sur la plage de Carnon, extrait du documentaire - © Marc Azema

Jordan Mechner vous a inspiré ?

M. A. : Oui. C’est une rencontre très enrichissante. Cet Américain, qui vit aujourd’hui à Montpellier où il publie des BD et notamment Replay, un roman graphique sur sa vie, a une histoire fantastique. Il est le créateur de Prince of Persia à la fin des années 80 et il a inspiré les pionniers français du jeu vidéo comme Éric Chahi, qui entre dans la légende des jeux vidéo au début des années 90 avec Another World ou Michel Ancel, qui a créé Rayman… Ils sont amis et ils ont tous une histoire avec Montpellier. J’ai eu envie de faire son portrait en mêlant images réelles, extraits de jeux vidéo, planches de BD et animations, pour rentrer dans son monde graphique. 

Qu’avez-vous en commun ?

M. A. : Je me suis rendu compte que ces pionniers faisaient partie des premiers à faire du cinéma à travers le jeu vidéo. On utilise à l’époque les mêmes techniques, comme la rotoscopie, qui consiste à produire des séquences animées en dessinant image par image sur des prises de vue en direct. Eux pour faire des jeux vidéo et moi, pour étudier les premières images de l’humanité en tant que préhistorien. 

Quelle est votre actualité ?

M. A. : En plus de Jordan, itinéraire d’un pionnier, qui sera présenté le 10 décembre à la médiathèque Émile Zola et diffusé sur France 3, j’ai eu une année 2025 chargée avec cinq sorties. Tout d’abord, Rupestres, qui est projeté depuis mars dans les salles de cinéma art et essai. Ce sont sept dessinateurs et une dessinatrice de bande dessinée qui vivent une expérience immersive unique au monde : se retrouver dans la peau des artistes de la préhistoire pendant dix jours… Cet été, Cloisters, l’odyssée des cloîtres a été diffusé sur ViaOccitanie et dans quelques semaines sur la chaîne Histoire TV. C’est un projet que j’avais envie de faire depuis la fac Paul Valéry et mes cours d’art roman. 

Quel est le sujet de ce documentaire ?

M. A. : C’est le récit d’un sculpteur américain, George Grey Barnard, amateur d’art qui est venu faire ses études en France pour apprendre la sculpture. Il est revenu transformé et il a eu cette idée de montrer à New York ce que sont les monuments médiévaux. Il a contribué à la construction du musée des Cloisters, annexe médiévale du Métropolitan Museum of Art de New York, en forme d’abbaye pyrénéenne, et structuré autour de quatre cloîtres de la région Occitanie. Un lieu extraordinaire, peu connu.

Vos deux autres réalisations 2025 ?

M. A. : Un film sur une figure mystérieuse datée de 7000 ans qui orne une stèle au sud de la Corse, Le Mystère Balchiria et j’ai été l’initiateur et le coauteur Chauvet, voyage aux origines, diffusé sur France TV. Une partie de ce documentaire a été filmée dans les studios France TV à Vendargues avec le studio d’effets spéciaux, les Tontons truqueurs.

Vous êtes attaché à Montpellier ?

M. A. : Oui, quand je ne suis pas en tournage un peu partout dans le monde, je partage ma vie entre Narbonne et Montpellier. C’est une ville qui m’a énormément aidé dans mon parcours. J’ai fait ici mes premiers pas d’étudiant et de professionnel. Pour Jordan, itinéraire d’un pionnier, j’ai notamment été soutenu par la Métropole via son fonds d’aide à la création ICC et la région Occitanie. J’ai toujours apprécié l’effervescence créatrice de Montpellier avec ses pionniers de l’image et des jeux vidéo, ses multiples studios…

Vous avez encore des projets ?

M. A. : Plein ! Faire une version anglaise de Jordan, itinéraire d’un pionnier et une version longue, poursuivre mon scénario sur l’histoire du jeu vidéo en France, créer à Montpellier une exposition sur le parcours de l’image, du temps préhistorique au monde virtuel… Une idée qui fait son chemin. Mais pour l’heure, je suis impatient de rencontrer le public de la médiathèque pour échanger avec eux et Jordan Mechner !

Jordan, itinéraire d’un pionnier le 10 décembre 2025 en avant-première à la médiathèque Émile Zola

Projection de Jordan, itinéraire d’un pionnier de Marc Azéma sur Jordan Mechner, pionnier du jeu vidéo et créateur du cultissime Prince of Persia.

Le 10 décembre à la médiathèque Émile Zola, en présence de Jordan Mechner et de Marc Azéma. Entrée libre.

  • 16h30 - 17h30 : dédicaces par Jordan, avec la libraire, au Café des lettres ;
  • 17h30 - 18h30 : projection du documentaire en salle Cinéma et rencontres ;
  • 18h30 - 19h : échanges et débat en présence de Marc Azéma et Jordan Mechner.

Il sera diffusé jeudi 11 décembre à 23h sur France 3.