À 83 ans Raymond Depardon est devenu l’un des plus grands noms de la photographie française contemporaine. La carte blanche que le Pavillon Populaire lui a donnée permet d’aborder, en 150 photographies, déclinées par séries, plusieurs thèmes qui habitent l’artiste depuis les années 60 quand il débute comme photoreporter.
La couleur, un langage affirmé
Tout d’abord, l’exposition met en relief la place croissante de la couleur dans la pratique de Raymond Depardon dès les années 1960, au moment où les magazines utilisent de plus en plus ce procédé pour leurs couvertures. Il travaille alors avec deux boîtiers argentiques. L’un chargé en noir et blanc pour le reportage, l’autre en couleur pour tenter d’obtenir la « une ».
Peu à peu, cette pratique devient un véritable choix artistique. « À la chambre photographique comme au Rolleiflex, Depardon utilise la couleur pour observer la lumière, documenter les paysages du quotidien et saisir la présence humaine dans les lieux les plus ordinaires. La couleur devient ainsi un langage autonome », indique Marie Perennès, l’une des commissaires de l’exposition.
Les séries La Terre des Paysans, La Datar ou encore Glasgow montrent cette évolution. La couleur contribue directement à la construction de l’image. En observant des lieux ordinaires, il accorde une attention précise à la lumière comme à Glasgow, où « la lumière était si douce », a confié Raymond Depardon à la presse lors de l’inauguration de l’exposition le 3 décembre.
Couvrir l’événement
Extrême Hôtel réserve une grande part à la carrière de photo-reporter de Depardon, à travers une sélection de coupures de presse et de tirages couleur issus de ses archives. Le visiteur retrouve ses reportages sur les Jeux Olympiques, la guerre du Liban, l’affaire Françoise Claustre ou les voyages du pape Paul VI. Cette partie montre comment la couleur intervient également dans le traitement des événements historiques. Ici, l’humain est au centre qu’il soit athlète, reine d’Angleterre, Richard Nixon ou anonyme. Ils apparaissent dans des situations où se mêlent tension, attente, ou moments de relative normalité malgré le contexte.
L’errance, un mode de travail
« La couleur est la métaphore de la curiosité », philosophe Raymond Depardon en parcourant plusieurs salles où s’exposent les images issues de ses déplacements. Des errances réalisées sans commande précise, notamment à Carthagène, Tokyo, en Méditerranée ou autour de l’hôtel d’Addis-Abeba, en Ethiopie, qui donne son titre à l’exposition. Il s’agit de photographies prises lors de marches, de retours sur d’anciens lieux de reportage ou de simples déambulations.
Dans son objectif, Depardon privilégie des rues, des façades, des silhouettes en mouvement, des objets du quotidien. Il capte des situations humaines dans leur dimension la plus simple dans une ambiance urbaine ou rurale. C’est ainsi qu’est dévoilée au public pour la première fois, la série USA, où son regard se pose sur l’Amérique intermédiaire, celle des stations-services et des restaurants de bord de route.
Le fonds Depardon - Nougaret
Pour prolonger l’exposition du Pavillon Populaire, le musée Fabre présente un accrochage inédit, conçu à partir de la donation exceptionnelle que le photographe et son épouse Claudine Nougaret ont remise au musée en 2023. Près de 200 tirages issus des séries Rural, Son œil dans ma main et Communes y sont réunis, offrant un panorama synthétique de son regard sur les territoires, les paysages et les relations humaines. Ce fonds marque l’intégration durable de la photographie dans les collections permanentes du musée Fabre.
La Ville de Montpellier a profité des travaux de l’esplanade Charles-de-Gaulle pour rénover le Pavillon Populaire, fermé huit mois. Les interventions ont porté sur l’accessibilité, la performance énergétique et la mise en valeur du bâtiment. Le perron ouest a été reconstruit, un cheminement adapté facilite l’accès, et les équipements intérieurs ont été modernisés. Le Pavillon est aussi raccordé au réseau de froid métropolitain et bénéficie d’un nouvel éclairage architectural.