La culture dans les Ehpad pour rompre l’isolement
« Au CCAS de Montpellier, la culture est un élément essentiel du vivre ensemble et participe à l'épanouissement de chacun, quel que soit son âge et son autonomie physique ou psychique. Depuis plusieurs années, le CCAS impulse la mise en œuvre d'actions culturelles afin de favoriser une meilleure intégration des personnes en situation de précarité ou d'isolement, explique Françoise Bretton, directrice générale adjointe. Le CCAS a développé une culture solidaire à l’égard des personnes hébergées en Ehpad pour favoriser l'accès aux pratiques artistiques, encourager les relations intergénérationnelles et créer des moments festifs et conviviaux. Nous apportons une vie culturelle au sein des établissements où les personnes ont des difficultés à se déplacer et qui ont pourtant un besoin vital d’ouverture vers l’extérieur outil d’inclusion social. »
Le tiers lieu culturel intergénérationnel, Pass’âge des arts, implanté à l’Ehpad Françoise Gauffier vient illustrer l’importance de la culture comme outil d’inclusion social. L'opération "Concerts d’opéra" dans les Ephad municipaux va dans ce sens.
Les Ehpad lieux de vie, lieux d’envie
Des musiciens de l’Opéra Orchestre National de Montpellier (OONM) interviennent régulièrement pour jouer en duo, trio ou en quatuor. Ces concerts sont également ouverts aux habitants du quartier et aux familles qui souhaitent partager un moment de convivialité avec les résidents. « Depuis trois ans, ce sont entre 20 et 30 musiciens de l’Opéra qui, sur la base du volontariat, proposent des programmes de leur choix, précise Caroline Maby, responsable du service développement culturel, actions artistiques et pédagogiques de l'OONM. Ils viennent égayer le quotidien des personnes qui, pour certaines, ne sont plus en capacité de se déplacer. Ce dispositif permet d’amener la grande musique, le grand répertoire, mais aussi la chanson française et le talent des musiciens de l’opéra jusqu’à elles. Se créent des moments de rencontres et de partage. Les musiciens et les résidents sont souvent très heureux de se retrouver sur plusieurs interventions d’un cycle à l’autre. »
Ces projets dynamiques contribuent à lutter contre les idées reçues et permettent de donner à voir autrement les Ehpad qui sont des lieux de vie ou l'envie est toujours présente. Cette valorisation est importante aussi bien pour les résidents, leurs familles que les personnels qui travaillent au sein de ces structures.
Un après-midi musical à l’Ehpad Belorgeot
Le cycle de concerts actuellement en cours a démarré le 2 février, se poursuivra jusqu’au 5 avril et reprendra ensuite en mai-juin et juin-juillet. Dans les quatre Ehpad Françoise Gauffier, Montpellieret, Mathilde Lartigue et Michel Belorgeot, le lundi 4 mars dernier, des concerts se jouaient simultanément. En cet après-midi du 4 mars, à l’Ehpad Michel Belorgeot, les musiciens de l’opéra sont venus apporter de l’enchantement. « C’est vraiment beau ! », s’exclame la jeune Julia venue rendre visite à sa grand-mère. « Normal, ce ne sont pas n’importe quels musiciens, ce sont des musiciens de l’Opéra de Montpellier », lui répond sa voisine. Julie Arnulfo et Olga Carboni, au violon, Sylvain Carboni au cor et Nicolas Paul au violoncelle avaient pour l’occasion concocté un répertoire de haute volée. « C’est éclectique, cela amène un vent de culture à l’Ehpad », confie la lumineuse Carmen, assistante de soins gériatriques, vêtue de sa blouse rose.
Des moments émouvants
« Je garde un excellent souvenir de la première fois où nous sommes venus ici. C’est à Belorgeot que tout a commencé", annonce en préambule la violoniste Julie Arnulfo à l’attention de l’assistance. Aux résidents de l’Ehpad s’étaient joints les adhérents des clubs de l’Âge d’or Baroncelli et Vincent Scotto, ainsi que le personnel et des membres de la famille de quelques résidents... Une assemblée de spectateurs attentive, sagement conquise d’avance, certes, mais qui ne fut pas déçue. L’amour est un oiseau rebelle, que nul ne peut apprivoiser.... Le concert s’ouvre par un extrait de Carmen, l’opéra de Bizet. Le ton est donné. La puissance des instruments provoque une émotion toute particulière... Olga Carboni la violoniste invite ensuite l'assistance à Prague avec la Symphonie du Nouveau monde...
Les pas de danse de Marcelino
Marcelino, un résident de l’Ehpad joue le chef d’orchestre et esquisse quelques pas de danse. Son esprit semble parti loin. Il s’était déjà distingué lors de la dernière présentation. Dans une vidéo, sur le site de l’opéra orchestre qui a recueilli plus d’un million de vues, on peut voir Marcelino danser... Il ne connaît pas son âge, mais il sait battre la mesure et suivre le rythme. On croit savoir qu’il aurait travaillé dans le bâtiment et quitté l’Espagne sous le régime de Franco. Avant de retourner dans son pays natal pour y épouser une danseuse de flamenco. Il a dansé tout le long de la séance et a reçu des applaudissement nourris.
Une musique qui touche en plein cœur
Nicolas, violoncelliste, propose à l’assistante Le chant des oiseaux, l'hymne à la paix de Pablo Casals. Une musique qui touche au cœur. Les tangos langoureux Por una cabeza de Carlos Gardel, dont la puissance du cor donne un timbre tout particulier et La Cumparsita by Gerardo Matos Rodriguez ont vraiment ému Babeth, dont la maman Manuelle est résidente à l’Ehpad Belorgeot : « J’ai tellement entendu cela à la maison. Je revois mes parents en train de danser sur ces tangos dans les bals, les fêtes, les mariages. Cela m’a serré le cœur d’entendre ces musiques. » Puis, le quatuor a interprété des musiques de film, Le parrain composé par Nino Rota, Les temps modernes de Chaplin, compositeur des musiques de ses films. Enfin, pour conclure, la salle entonne en chœur, La Vie en rose d’Edith Piaf et La Javanaise de Gainsbourg... « Cette séance m’a beaucoup plus, c’était émouvant », confie Alice adhérente du club de l’Âge d’Or Baroncelli. « J’avais la larme à l’œil, murmure Jacqueline, une autre adhérente.
Des concerts qui font du bien
Un moment de grâce et de joie pour les résidents, mais également pour les musiciens : « Beaucoup d’échanges et d'émotion à vivre lors de ces concerts. Nous décidons du répertoire, explique Julie Arnulfo, la violoniste. La première fois, nous avons été surpris par Marcelino qui, comme aujourd’hui nous a dirigé comme un chef d’orchestre. Et puis, c’est agréable de jouer en famille, cela crée une complicité. » En effet, le quatuor est formé de deux couples à la ville et à la scène. « On aime jouer et c’est une belle occasion de jouer ensemble et de partager ces moments, sans avoir besoin de se les raconter ensuite, précise Olga Carboni, la violoniste. Pour créer le répertoire, nous avons fait des recherches. La première fois que nous sommes venus ici à l’Ehpad Belorgeot, les résidents n’était pas contents car ils regardaient la TV et nous les interrompions dans leur programme..., raconte Sylvains Carboni, premier cor de l’Opéra. Maintenant, ils nous connaissent bien. Nous leur apportons du bonheur et de la joie. » Et Nicolas Paul, le violoncelliste de conclure : « C’est vraiment génial de donner ces concerts. Cela nous fait du bien. Je ne sais pas qui de nous ou des résidents reçoivent le plus ! »
Pour en savoir plus :
opera-orchestre-montpellier.fr
Sans musique, je ne serais plus sur cette terre. Je dansais déjà dans le ventre de ma mère. J’ai 94 ans, je suis née le 11 juin en Catalogne, à Vilafranca del Penedès est ma ville natale. Dans mon pays, les gens chantent et dansent énormément, quel que soit leur âge. J’ai quitté l’Espagne à 4 ans et demi, j’habite à Montpellier depuis 1990. J’étais professeure de langues vivantes, j’ai fait mes études en France. Le célèbre Chant des oiseaux, l'hymne à la paix de Pablo Casals, ma mère me le chantait avant de m’endormir. Je suis une passionnée de musique. Je descends rarement de ma chambre, mais j’ai apprécié d’écouter ce quatuor de l’Opéra.
Dans ma chambre, j’écoute de la musique classique, de la musique populaire... L’opéra n’est pas si inaccessible. Ce n’est pas une musique qui exclut. Carmen, les chœurs d’Haendel... Il faut mettre l’opéra à notre portée. Il faut promouvoir la grande musique sur les smartphones pour que les jeunes y accèdent et la découvrent. Je regrette qu’on n’entende plus d’opérette. On a oublié les chansons de Tino Rossi.
Aller à l’Opéra, c’est compliqué pour moi, mais je prévois d’aller écouter Dorota Anderszewska en avril. Et je précise que je suis mécène de l’Opéra depuis une rencontre avec René Koering (Ancien directeur de l’Orchestre National de Montpellier et fondateur du Festival de Radio-France). Valérie Chevalier, la directrice, me dit que l’on devrait fêter mon anniversaire à l’Opéra !
