Impossible d’y échapper. Du débat autour de l’utilisation de ChatGPT à la grève des artistes d’Hollywood, l’intelligence artificielle occupe la scène médiatique. La Métropole de Montpellier s’est mobilisée très en amont, afin de réfléchir aux enjeux liés à une technologie souvent présentée comme une nouvelle « révolution industrielle », avec son cortège de prévisions, enthousiastes ou apocalyptiques, sur l’emploi, l’information, la création. « Un débat légitime », explique Manu Reynaud, conseiller métropolitain chargé d'une mission sur les usages numériques, qui doit interroger la technologie que nous souhaitons pour nos administrés et nous. Sans optimisme exagéré, mais sans refus systématique non plus, quant aux potentiels formidables offerts dans le champ de la recherche, de la médecine, par exemple ».
Pour une I.A. souveraine, responsable et éthique
En avril 2023, la Métropole de Montpellier s’est donc emparée du sujet, via un Comité territorial de l’intelligence artificielle, rassemblant chercheurs, entrepreneurs, élus… Objectif : fixer des repères, dans le développement souhaité, pour une I.A. souveraine, responsable et éthique. Avec comme première préconisation l’ouverture d’un débat citoyen, dès ce mois de novembre, qui va permettre de rassembler une quarantaine d’habitants de la métropole, tirés au sort et assistés par un collège d’experts, dont le célèbre mathématicien Cédric Villani (voir ci-dessous), auteur en 2018 d’un rapport parlementaire sur l’intelligence artificielle.
Inscrire Montpellier sur la carte européenne de l’intelligence artificielle
La stratégie de la Métropole en matière d’intelligence artificielle vise à faire de Montpellier une référence de classe européenne, voire mondiale, dans une approche centrée sur l’humain et digne de confiance. Montpellier a ainsi été la première ville de France à interdire la reconnaissance biométrique faciale, puis à interdire l’usage de ChatGPT, à titre conservatoire, à l’ensemble de ses services. « Mais avec ses universités, ses laboratoires, son parc d’entreprises, la présence sur son territoire du supercalculateur le plus puissant de France, Montpellier a aussi toutes les cartes en main pour faire de l’intelligence artificielle un vecteur de développement économique extraordinaire ». En 2024, en lien avec la Région Occitanie, la Métropole participera à l’organisation des rencontres internationales sur les enjeux de l’I.A. Avec également un programme d’action lancé dans plusieurs domaines : éducation et formation, appel à projets, soutien aux acteurs du territoire.
Michaël Delafosse et Cédric Villani à l'hôtel de Ville, le 12 septembre, en présence de Manu Reynaud, conseiller métropolitain chargé d'une mission sur les usages numériques et Radia Tikouk, adjointe au maire, déléguée aux Relations aux usagers.
Conseil Citoyen
Au cœur du débat de l’I.A.
C’est une première en France. Quarante habitants de la métropole, réunis en conseil citoyen, vont se pencher de novembre 2023 à février 2024, sur les enjeux et les impacts de l’I.A. sur le territoire et pour ses administrés. Tirés au sort par une entreprise de panélisation indépendante, dans une volonté de représentativité des habitants de la métropole (âge, CSP, profession, communes), ils bénéficieront de l’assistance d’un comité d’experts et de garants, chargés de veiller à l’impartialité des débats. À l’issue de ces temps d’échange et de travail, la convention rédigera un avis qui sera remis aux élus de la Métropole et permettra de mettre en place la stratégie sur l’intelligence artificielle et la donnée. Ce projet fera l’objet d’une délibération en conseil de Métropole au premier trimestre 2024.
Premiers rendez-vous pour le conseil citoyen : les vendredi 10 et samedi 11 novembre, en salle du Conseil de l’hôtel de Métropole.
participer.montpellier.fr/ia
Cédric Villani : « Un exemple inédit à l’échelle nationale »
Qu’est-ce qui vous a décidé à rejoindre le comité d’experts ?
Cédric Villani : En premier lieu, une curiosité sincère. Cette convention citoyenne est un exemple inédit à l’échelle nationale et j’ai tout de suite été séduit. Je mets un point d’honneur à continuer de me tenir très informé de tout ce qui se passe dans le domaine de l’intelligence artificielle. Et je pense que cette expérience à Montpellier va être très riche d’enseignements. J’avais donc envie de la voir d’aussi près que possible et d’aider à son fonctionnement.
Quel doit être le rôle d’une convention citoyenne ?
C.V. : À l’échelle du territoire, en tant qu’habitant de la Métropole, d’exprimer ce que l’on veut que la Métropole porte comme usage de l’I.A., pour améliorer les politiques menées. Par exemple, dans le cadre de la stratégie de MedVallée, « nourrir, soigner, protéger », on peut s’interroger pour savoir comment demain, on soignera mieux grâce à l’I.A., comment les technologies viendront servir au mieux ces enjeux, qu’est-ce qu’on jugera acceptable ou pas. Et quel message la Métropole portera éventuellement comme position dans le débat national, voire international.
Depuis votre rapport parlementaire en 2018, y-a-t-il des choses qui vous ont surpris sur l’évolution de l’I.A. ?
C.V. : Au plan technique, comparé à il y a cinq ans, il y a des domaines qui ont mieux marché que d’autres. En 2018, la notion de véhicule autonome était sur sa lancée. Aujourd’hui, c’est un peu la gueule de bois. En terme de confort, de réduction de trafic, de consommation, l’intérêt ne semble plus aussi pertinent. En revanche, les I.A. génératives, qui permettent de générer textes, images ou autres médias, à l’exemple de ChatGPT, ont connu une accélération et des résultats que personne, je pense, ne pouvait prévoir à l’époque. Mon grand enseignement en revanche, c’est que, avant la technique, l’enjeu crucial en matière de technologie tient à la façon dont les politiques s’approprient le sujet. Avec une réflexion globale et transversale. Et c’est ce qui m’intéresse aussi dans cette expérience menée à Montpellier.