Virginie Guilminot a travaillé sur "Flow", Oscar du meilleur film d’animation

22-03-25 - 06:30
Couronné au Festival du film d'animation d'Annecy, récompensé aux César, aux Golden Globes et aux Oscars… Le film « Flow » accumule les distinctions. Parmi les talents ayant contribué à cette aventure artistique hors du commun figure Virginie Guilminot. Rencontre chez elle, à Saint-Gély-du-Fesc.
Virginie Guilminot
© C. Ruiz
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Quel a été votre rôle dans la fabrication du film ? 

Virginie Guilminot : J’étais directrice de production. Mon travail consistait à anticiper et organiser les besoins en personnel artistique et technique, en collaboration étroite avec le réalisateur. J’ai constitué l’équipe d'animation, tout en veillant à la gestion du budget et au respect du planning. En quelque sorte, je jouais le rôle de cheffe d’orchestre : je m’assurais que tout se déroule harmonieusement, afin que chacun puisse travailler dans les meilleures conditions possibles. C’est un poste que je connais bien, ayant occupé cette fonction sur plusieurs films, notamment ceux de Michel Ocelot comme Azur et Asmar ou Les Contes de la Nuit.

Comment s’est passé votre collaboration avec Gints Zilbalodis sur Flow ?  

Virginie Guilminot : Cela a été une expérience aussi intense qu’enrichissante, sur le plan artistique comme humain. Gints est non seulement quelqu’un de charmant, mais à seulement 30 ans, c’est un véritable prodige de l’animation. Il travaille comme un artisan de l'animation 3D en y ajoutant l'approche "temps réel". Flow a d’ailleurs été conçu avec Blender, un logiciel libre et open source qui bouscule les méthodes traditionnelles du secteur. Plutôt que de s’appuyer sur un storyboard classique, Gints nous envoyait une prévisualisation des plans, intégrant les mouvements de caméra et le pré-montage. Ces séquences servaient de base aux équipes 3D franco-belges. Grâce à un dialogue constant entre lui et les équipes, nous avons avancé plan par plan. Ce furent six mois captivants pour une vingtaine d'animateurs et d'animatrices.

Equipe de Flow
Une partie des animateurs a travaillé à Marseille - © Virginie Guilminot

C’est une façon de travailler qui vous plaît particulièrement ?

Virginie Guilminot : Absolument. Ce projet réunissait tout ce que j’aime : une grande liberté artistique, une équipe à taille humaine et une économie raisonnée au service du film. Avec un budget relativement restreint de 3,5 millions d’euros, Gints a prouvé qu’un film indépendant européen pouvait toucher un public international. Nous sommes à mille lieues des grosses productions hollywoodiennes, souvent formatées, où les équipes peuvent finir par être déshumanisées. Pour moi, la dimension relationnelle et la coopération sont essentielles, comme Flow le raconte si bien. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussée, en 2014, à co-fonder à Montpellier le studio Les Fées Spéciales, une société coopérative participative où chaque voix compte.

Avec plus de 20 millions de dollars de recettes au box-office mondial, qu’est-ce que le succès de Flow a changé pour vous ?

Virginie Guilminot : Malheureusement, les retombées financières n’arrivent pas jusqu’aux équipes de fabrication. En revanche, c’est un bel atout sur un CV. Est-ce que je retravaillerai un jour avec Gints ? Je l’espère sincèrement. Mais c’est un métier imprévisible, et le secteur traverse une période difficile. Les financements sont de plus en plus compliqués à obtenir, les budgets explosent, souvent à cause du poids du marketing — aux États-Unis, il représente parfois la moitié des coûts, ce qui est aberrant. Peut-être que Flow montrera qu’il est possible de produire des œuvres ambitieuses, de qualité, en concentrant les dépenses sur les personnes qui donnent vie au film : équipes de création, production et de fabrication. C’est en tout cas le modèle que je continue de défendre.