1re partie de l'interview : "La méthode Canayer"
Quelle est votre vision du sport ?
Patrice Canayer : Le sport est un outil très intéressant. Le sport n’a jamais été une finalité, c’est un moyen d’expression, un moyen de se dépasser, de mener des projets collectifs, de faire passer des messages… Au MHB, ce qui est fantastique, comme je l’ai dit précédemment, c’est qu’un club de quartier ait gagné la Ligue des champions. Cette réussite est symbolique. Cela signifie que quand on veut, on peut. Quand tu travailles beaucoup, de manière acharnée… L’ambition, c’est ça. Je me bats pour ce territoire parce que j’ai envie qu’on soit ambitieux. Dans le sport, ce qui me plaît, ce ne sont pas les titres, mais la manière dont on les a acquis et ce que ça représente.
Expliquez-nous comment vous êtes arrivé à cette philosophie de vie.
J’ai eu le déclic assez tôt, en 1995, lors de notre premier titre de champion de France. Le soir du titre, on a fait une belle fête au domaine municipal de Grammont. Au milieu de la soirée, je me suis dit, « tout ça pour ça » et je suis parti. J’avais l’impression d’avoir fait beaucoup pour seulement gagner un titre. L’émotion était importante, certes, mais tout ce travail pour juste une satisfaction… Là j’ai compris que ce n’était pas l’émotion finale qui était importante, mais le chemin qui te menait à cette émotion. Depuis cette philosophie de vie m’a toujours guidé. C’est pour cela que je n’ai jamais eu de problème à me remettre au travail après un grand titre car l’essentiel c’était ce qui allait arriver après.
« Ce qui me navrerait, c’est qu’on ne se donne pas les moyens de décrocher un titre »
Tout de même, vous aimeriez finir votre dernière saison avec un titre ?
Oui, ça me ferait plaisir. Mais ça ne changera pas ma vie. Par contre, ce qui me navrerait, c’est qu’on ne se donne pas les moyens de décrocher un titre. Dans le sport, ça se joue parfois sur un ballon. On l’a vu lors de la demi-finale du championnat d’Europe sur le but de Prandi contre la Suède ou lors de notre dernier match contre Nantes... Ce n’est pas ça qui doit remettre en cause tout le travail que tu as fait.
Quel objet souvenir garderez-vous de ces 30 années avec le MHB ?
Peut-être que ce qui symbolise le plus mon travail, c’est la tablette magique. J’ai été un des premiers à utiliser cet outil pendant les matchs. Elle incarne un sujet que j’aime développer lors de mes interventions en entreprise : la communication de manière globale. La tablette est un outil de communication. Elle incarne le credo que j’ai en permanence : comment je vais me faire comprendre.
« Pour communiquer, il faut avoir une bouche et une oreille »
Comment voyez-vous la communication ?
La communication est un sujet qui me passionne. Dans les années 90, j’ai découvert un livre fantastique La communication c’est comme le chinois ça s’apprend d’Annick Oger-Stefanink. Ca a été une révélation. La communication, c’est la capacité que tu vas avoir de travailler en équipe. Elle n’est pas que verbale. Parler n’est pas communiquer. Pour communiquer, il faut avoir une bouche et une oreille. Il faut se comprendre.
Concrètement, comment ça se passe en plein match ?
Dans un temps mort, quand autour de toi il y a 10 000 spectateurs qui crient, que tu es à 30 secondes de la fin d’un match, il faut prendre une décision. Pour aller d’un point A à un point B, il n’y a pas qu’une route, contrairement à ce qu’on pense souvent. Par contre, ce qui est important quand tu travailles en équipe, c’est d’y aller ensemble. C’est ça manager. Ce n’est pas avoir la certitude que tu as raison et que la route que tu proposes est la bonne. Je propose une combinaison, mais tu peux très bien gagner avec une autre combinaison. Dans la vie d’une équipe quelle qu’elle soit, en sport, en entreprise ou en politique, il doit y avoir des moments de partage, d’expression, de débriefing. Mais quand on te confie les rênes, c’est ta responsabilité. C’est toi qui tranche. L’important, c’est que l’équipe gagne.
Vous managez une équipe de handball, mais vous auriez pu être à la tête d’une entreprise ?
Oui, j’aurais adoré être dirigeant d’une entreprise. Je l’ai été un peu en manageant le club. Aujourd’hui, je m’éclate dans le travail politique. Comme je l’ai dit, je suis passionné de transversalité. Ce n’est pas le handball qui me passionne. C’est pour moi un terrain d’expression.
Pourquoi avoir choisi le handball ?
J’ai fait du handball parce qu’à 7 ans, j’ai suivi une professeure qui m’a proposé de jouer au handball. Mais j’aimais tous les sports. Ce qui me passionne, c’est la compétition, le collectif. Comment des gens qui se mettent ensemble peuvent se dépasser et aller chercher quelque chose. Le jour où je vais arrêter, je ne vais pas voir 50 matchs de hand dans l’année !
Le milieu du handball ne va pas vous vous manquer ?
Quand tu baignes trop dans un monde, tu finis par être consanguin. J’ai fait tous les métiers dans le sport. Depuis 40 ans, je baigne là-dedans. Je connais tellement les dessous des cartes. J’apprends beaucoup plus en sortant de mon univers. C’est d’ailleurs un conseil que je donne aux collègues entraîneurs. Sortir de son cadre pour comprendre la vie. Avoir beaucoup de curiosité. Le sport est intéressant à condition de ne pas s’enfermer dedans.
>>> À lire également : La méthode Canayer. Première partie de la série "Patrice Canayer, la dernière saison au MHB".
>>> Retrouvez la 3e et dernière partie de la série "Patrice Canayer, la dernière saison au MHB" samedi 13 avril à l'occasion du match de championnat de France Montpellier - Dunkerque.
Patrice Canayer et le MHB
Né le 4 avril 1961 à Nîmes
Palmarès
- 2 Ligues des champions
- 14 titres de champion de France
- 13 Coupes de France
- 10 Coupes de la Ligue
- 3 Trophées des champions
- 8 titres de meilleur entraineur du championnat de France
- 1 titre de meilleur entraineur de la Ligue des champions
Été 1994
À 33 ans, Patrice Canayer succède à Guy Petitgirard au poste d’entraineur du MHB, en 1ère division depuis 1992. Jean-Paul Lacombe est le président - fondateur du club (1982 - 1997).
25 mars 1995
1er titre de champion de France face à OM Vitrolles à Bougnol.
8 octobre 1995
1er match en Ligue des champions contre Dukla Prague à Bougnol.
24 avril 1999
1ère Coupe de France en finale contre Toulouse.
2001
Il devient manager général du club et entraîneur.
2002
1er titre de meilleur entraîneur du championnat de France.
4 mai 2003
1er titre de Ligue des Champions.
2004
1ère Coupe de la Ligue.
2010
1er Trophée des champions.
2012
Quadruplé historique en France : Coupe de France, Coupe de la Ligue, Champion de France, Trophée des Champions.
27 mai 2018
2e Ligue des champions – titre du meilleur entraineur de la Ligue des champions.
Mercredi 3 avril : MHB - Zagreb
1/8e de finale retour de la Ligue des Champions.
Après le match nul (27-27) en Croatie mercredi 27 mars, Montpellier reçoit Zagreb pour une place en 1/4 de finales et figurer parmi les 8 plus grandes équipes européennes.
Rendez-vous à 20h45 au FDI Stadium à Montpellier.