La photographe des grands écrivains
Au début des années 50, dans la boîte à diapositives de Gisèle Freund, la liste des personnalités photographiées ressemblait à un annuaire complet des arts et de la culture. Les écrivains français, de Cocteau à Paul Valéry, en passant par Gide, Giono, Colette, Maurois ou Malraux voisinaient avec de prestigieuses signatures internationales, Lawrence Durell, James Joyce, Virginia Woolf ou encore Jorge Luis Borges. Auxquelles venaient s’ajouter la liste des poètes et des peintres, comme Pierre Bonnard, Henri Matisse ou Frida Kahlo…
L’un des grands intérêts de l’exposition présentée au Pavillon Populaire est, non seulement de donner à voir la plupart de ces célèbres visages, saisis en noir et blanc ou en couleur, mais aussi de pouvoir lire la liste minutieusement tenue sur un répertoire, ainsi qu’un extrait de carnet (« une séance photo perturbée avec James Joyce »), documents exceptionnels issus pour la plupart du fonds Gisèle Freund conservé à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) de l’abbaye d’Ardenne, en Normandie.
Des images qui rapprocheraient les hommes
De cette vie qui ressemble à un grand roman d’aventure, les commissaires de l’exposition Gisèle Freund, une écriture du regard ont certes souligné la nostalgie d’une photographe qui s’était rêvée une carrière d’écrivain, mais aussi de cinéaste. Mais qui, "faute de mieux", se contenta de promener l’appareil photo offert par son père pour ses 15 ans, afin de saisir et de témoigner des beautés et des tragédies du monde. Avec ce rêve naïf de croire que les images parviendraient à rapprocher les hommes, à mettre un terme aux conflits et aux guerres, dont elle fut le témoin engagé et rigoureux. Juive, pourchassée par le régime du Troisième Reich, ayant fui son Allemagne natale pour trouver asile en France. Puis obligée à nouveau de fuir vers l’Amérique du Sud en 1942, Gisèle Freund ne cessa jamais de s’intéresser dans son travail à tous ceux que la vie avait poussés aux marges de l’existence : mineurs du nord de l’Angleterre, prostituées parisiennes, peuples autochtones de Patagonie, noirs américains de Harlem…
Dans l’atelier de la photographe
Magnifiquement documentée, exposant à côté de plusieurs centaines de tirages, carnets, notes, matériel photo, planches contacts permettant de retracer les principaux chapitres de cette vie menée tambour battant, l’exposition du Pavillon Populaire est un véritable voyage. À travers le temps et la mémoire. Mais aussi dans l’art et l’atelier de la photographe. Puisque l’exposition s’attache à présenter et à comprendre les différentes étapes de son travail, pour sélectionner, cadrer, légender, protéger ou publier ses images. Avant de tendre un miroir grossissant et interroger l’art du photographe. « Gisèle Freund a réfléchi à la place de la photo dans notre société, son impact sur notre rapport au monde, expliquait la commissaire de l’exposition Lorraine Audric. Que dirait-elle aujourd’hui de son usage sur les réseaux sociaux, du développement de l’Intelligence Artificielle ? Elle parlait déjà du pouvoir des images, des manipulations dont elles peuvent faire l’objet, et rien de tout cela n’a diminué, bien au contraire. Et c’est cette pensée visionnaire que nous avons souhaité mettre en avant dans l’exposition ».
À voir jusqu’au 9 février
Pavillon Populaire – Esplanade Charles de Gaulle – du mardi au dimanche de 10h à 13h et de 14h à 18h. Entrée gratuite.
Gisèle Freund - Repères
- 1908 – Naissance à Berlin
- 1928 – Premier Leica offert par son père
- 1933-1934 – Fuite en train à Paris, menacée d’arrestation par la Gestapo
- 1935-1941 – Premiers travaux photographiques en France, collaboration avec Adrienne Monnier, traduction et publication de sa thèse sur la photographie en France.
- 1941 – Nouvel exil causé par la guerre. Voyages et reportages en Amérique Latine.
- 1947 – Début de sa collaboration avec l’agence Magnum.
- 1952-1953 – Installation définitive à Paris.
- 1991 – Rétrospective au Centre Pompidou.
- 2000 – Mort à Paris.
Le Pavillon Populaire
Espace d’art photographique, ouvert gratuitement au public, le Pavillon Populaire - placé sous la direction artistique de Gilles Mora - propose une programmation d’artistes de notoriété nationale et internationale. Robert Doisneau, Willy Ronis, Raymond Depardon, mais aussi Antoni Campaña ou Linda Mc Cartney y ont présenté leurs images.
- Le Pavillon Populaire est ouvert tous les jours, gratuitement, sauf le lundi, de 10h à 13h et de 14h à 18h.
- Des visites guidées gratuites sont aussi proposées au public.
- Pour les adultes : mardi et vendredi à 16h, samedi et dimanche à 11h et 16h (1h15 environ)
- Pour les familles : mercredi et dimanche à 11h et 16h (30 min environ)
- Visites en langue des signes et visites de groupes sur réservation : visites@montpellier.fr