Un partenariat avec l’Université
En ce dernier mercredi de janvier, Charlotte, Emma et Ly, trois étudiantes du Master ICAP, attendaient un peu anxieusement leurs visiteurs du jour : un petit groupe de personnes atteintes de handicaps visuels, venues avec leurs accompagnants. Depuis la rentrée de septembre, dans le cadre du partenariat entre l’université de Montpellier et le musée Fabre, elles avaient pour mission de créer un parfum, qui puisse « illustrer » olfactivement le tableau de Jean Raoux : Pygmalion amoureux de sa statue. Après une description minutieuse du tableau par Floriana Crocella, médiatrice culturelle, les trois étudiantes font circuler, sur de petits galets imprégnés, les différents accords de leur parfum, intitulé Rose de marbre. « On voulait un parfum plein de vie, pétillant ». Avec un premier accord de rose, pour symboliser l’amour, la féminité. Puis de musc, pour évoquer l’odeur douce et froide de la statue. Avant le dernier accord, de cerise et fruit rouge, au moment où selon la légende, Galatée, la statue, devient créature de chair, par l’entremise de la déesse Aphrodite. Dans les rangs des visiteurs, assis sur leurs chaises, on s’anime : « oui, ça me plaît beaucoup » ; « on sent le noyau, l’amande » ; « c’est très frais, mieux que Chanel ! ».
Parfums et matières pour stimuler l’imagination
Le petit groupe se dirige ensuite vers une deuxième salle, un deuxième tableau. Et cette fois un nouvel exercice. Au lieu de commencer par décrire le tableau, Lucine et Clotilde, également étudiantes à l’ICAP, font circuler de fines rondelles de bois imprégnées de parfums. Les commentaires tentent de cerner l’univers du tableau. « C’est fort », « boisé », « masculin » … La deuxième note, est déposée au creux de la main dans une boule de coton. « C’est plus fin, féminin, délicat. » Puis c’est une boule de tissu imprégné qui vient conclure la séquence. « Là, c’est violent, agressif. On imagine un combat. De la puissance ». « Une lutte pour une femme ? » Grand sourire étonné des étudiantes qui n’en reviennent pas d’avoir réussi à guider les visiteurs aussi près de la solution. Floriana la médiatrice essaie de les mettre sur la voie : « Vous êtes forts en mythologie ? » Elle décrit le tableau. Un homme musclé assis sur une chaise, près d’un feu. Devant lui, une femme à genoux, dont on perçoit le regard étonné. L’homme lui ferme la bouche d’un geste. Pour éviter qu’elle le trahisse, parce qu’elle vient de le reconnaître. Lui, le voyageur, c’est Ulysse parti en guerre depuis dix ans et revenu pour reconquérir son royaume, Ithaque, et le cœur de Pénélope. Le tableau, peint en 1799, est signé par le fondateur du musée de Montpellier, François-Xavier Fabre.
« Avec des séances comme celles-là, on revit ! »
La dernière séquence, construite sur le même principe, permet à trois autres étudiants de présenter le parfum conçu à partir du célèbre tableau d’Eugène Delacroix, « Femmes d’Alger dans leur intérieur ». A nouveau les parfums circulent pour évoquer l’atmosphère du tableau. Cette fois sur de petits bâtonnets. Une odeur d’ambre et de vanille. « De chapelle », tente une visiteuse. Puis viennent des notes florales. Jasmin, fleur d’oranger. Et puis le parfum de la tubéreuse, qui vient apporter la note profonde, sensuelle. Et à nouveau, en se penchant seulement sur les bouts de charbon parfumés, les images mentales évoquées tourbillonnent et se rapprochent du souvenir de voyage évoqué par le maître. Et de sincères applaudissements viennent ponctuer la visite. « Que l’on a savouré avec les papilles », se réjouit une visiteuse. L’une d’entre elles, s’exprime dans un joli accent allemand. Elle s’appelle Uschi. Et il y a presque dix ans, qu’elle suit régulièrement le programme de visites proposé par le musée Fabre. Est-ce qu’il lui arrive d’aller voir d’autres expositions, avec des amis par exemple ? « Non, vous savez lorsque l’on ne voit plus, les explications sont nécessaires. Sinon, on est tellement triste de ne plus être comme avant, d’avoir beaucoup perdu de ses facultés, que l’on sort presqu’en pleurant. Alors qu’avec des séances, comme celles-là, proposées par le cycle du musée Fabre, on revit. Aujourd’hui c’était grâce aux parfums, mais il y a des visites proposées avec de la musique, des tissus à toucher, des objets et maquettes qui permettent de manière tactile de comprendre la construction et le mouvement des tableaux. Ils se donnent beaucoup de peine pour nous rapprocher de l’œuvre. C’est un vrai plaisir. »
3 février – Expérience Odorat. Visite grand public
En adaptant au grand public la visite proposée par les étudiants du Master ICAP, le service des publics du Musée Fabre invite à une véritable expérience sensorielle. À solliciter l’imaginaire, à libérer les émotions et la parole, approcher l’œuvre autrement. Un temps de visite d’un format exceptionnel, en petit groupe, les yeux bandés dans certaines pièces, pour favoriser ce dialogue entre l’art des parfumeurs et celui des peintres. Un temps aussi à vivre comme un jeu. Saurez-vous reconnaître le chef d’œuvre, juste avec le nez ?
3 février – 11h – Durée de la visite : 1h - musée Fabre. Inscription préalable par mail : contact.museefabre@montpellier3m.fr – 04 67 14 83 22.
Toute l'année, le musée Fabre pour tous
Tout au long de l’année, le service des publics du musée Fabre, propose différentes actions pour rendre accessible au public le plus large, l’ensemble de ses collections. Plusieurs dispositifs s’adressent ainsi aux personnes atteintes de handicaps, comme aux enfants hospitalisés ou aux détenus de la maison d’arrêt. Un programme de rendez-vous bimestriels a ainsi été mis en place pour les personnes atteintes de troubles ou de pertes de la vision. Certaines visites se faisant pour publics spécifiques, d’autres au contraire, favorisant l’inclusion et mixant tous types de publics, sans critère d’âges ou de handicap, mêlant parfois enfants des écoles ou seniors en EHPAD pour permettre une découverte mutuelle et favoriser les échanges.