Le 31 décembre 1974, tandis que Valéry Giscard d’Estaing s’apprêtait à présenter ses vœux à la Nation, la journée était marquée par la disparition de Laure Moulin à 82 ans. Victime au cours des derniers mois de crises d’angine de poitrine, mademoiselle Moulin avait chuté lourdement, trois jours auparavant, dans le jardin de la propriété familiale à Saint-Andiol, comme le raconte Thomas Rabino dans sa biographie « Laure Moulin, résistante et sœur de héros ». Elle fut opérée de son fémur brisé, à la clinique du parc de Montpellier (sic) où elle avait été transférée. Hélas, son cœur donna à nouveau des signes de faiblesse avant de l’emporter.
La mémoire de Laure Moulin est indissociable de Montpellier, ville où elle a étudié, enseigné, vécu, résisté et a été élue. Aussi, le 27 mai 2023, lors de la journée nationale de la Résistance, une promenade à son nom a été inaugurée aux Arceaux. Elle illustre un parcours mémoriel depuis les jardins du Peyrou, où a été prise la photographie la plus célèbre de Jean Moulin, unificateur de la Résistance, jusqu’à la Croix de Lorraine sur l’aqueduc Saint-Clément (réalisée par des étudiants de l’école de santé navale de Bordeaux, repliés à la Cité universitaire sous l’Occupation).
Une pionnière
Laure Moulin fut une pionnière dans plusieurs domaines. En 1913, elle a fait partie des 400 premières bachelières françaises. De même, à la Libération, elle figurait parmi les quatre premières femmes élues de la ville de Montpellier sur la liste de Paul Boulet. Elle s’est investie dans l’action sociale et, à sa mort, son nom fut donné à un foyer d’accueil. Enseignante de profession, elle a été professeur d’anglais au collège Legouvé (aujourd’hui Clémence Royer). De 1938 à sa disparition, Laure Moulin a toujours résidé au n°21 de la Grand’Rue qui porte aujourd’hui le nom de Jean Moulin, son frère.
Secrétaire de son frère
Mais ce fut aussi une résistante. Dès l’été 1940, elle seconda son frère dans son action clandestine. Elle cacha pour lui des documents compromettants, dont la lettre autographe du général De Gaulle, derrière une tapisserie de son appartement. « J’ai servi de secrétaire et de courrier à mon frère Jean Moulin (Rex-Max), chef de la résistance intérieure française, de novembre 1940 à juillet 1943 ». Elle écrit cette phrase dans la case « service de guerre » d’un formulaire de l’Éducation Nationale. « Quand Jean Moulin venait à Montpellier, elle travaillait sur le codage des messages et elle connaissait elle aussi les secrets de la Résistance. Elle a participé au travail des réseaux tout comme elle a fait paraître le livre posthume de son frère (Premier combat) sur ce qu’il a vécu quand il était en poste à Chartres », a précisé Michaël Delafosse, le maire de Montpellier, lors de l’inauguration de la promenade Laure Moulin.
Tournée vers les autres
Laure Moulin avait aussi le souci permanent d’aller vers les autres. Dès 1915, elle avait interrompu ses études pour rejoindre la Croix Rouge comme infirmière bénévole et soigner les blessés de retour du Front. Plus tard, lors de La Retirada, elle porta assistance aux réfugiés espagnols ayant fui le franquisme et apporta son aide aux personnes blessées dans les hôpitaux montpelliérains. Au lendemain de la guerre d’Algérie, elle se rendit dans les camps où se trouvaient des familles harkies et leur apporta des ballots de vêtements. Après la mort de Jean Moulin, elle s’est battue inlassablement pour entretenir sa mémoire et c’est elle qui a choisi le portrait pour l’entrée au Panthéon. Toute sa vie, Laure Moulin a tendu la main avec force.