SÉRIE "LES SEIGNEURS DE MONTPELLIER" // ÉPISODE 2

Guilhem V délivre Jérusalem

21-07-25 - 14:30
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Le premier des seigneurs de Montpellier à inscrire son nom dans la grande fresque de l’Histoire fut Guilhem V. Héritier d’une lignée qui, depuis un siècle, façonnait avec patience et ambition la manse de Montpellier, sa participation à la première croisade lui valut un grand prestige.
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Sceau des Guilhem - © Archives municipales de Montpellier
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Né vers 1075, Guilhem V perd son père alors qu’il est encore enfant. Sa mère, Ermengarde se remarie peu de temps après avec le seigneur d’Anduze. Elle quitte Montpellier, confiant la garde de son fils à des proches, la famille Aymoin. Ceux-ci, habiles administrateurs, dirigent la seigneurie en son nom. Pendant ce temps, la ville s’éveille : étendue sur les collines de Montpellier et Montpelliéret, elle commence à s’animer et à prendre forme.

Un jeune seigneur en quête de pouvoir

À la fin du XIe siècle, un bouleversement survient. Le comte Pierre de Melgueil (l'actuel Mauguio), suzerain des Guilhem, cède son comté à la papauté, plaçant ainsi ses terres sous l’autorité de l’évêché de Maguelone. Fort de ce nouveau pouvoir, l’évêque entend enfin affirmer sa domination face à des seigneurs de Montpellier jugés trop entreprenants.

Le conflit éclate en 1090. Guilhem V, jeune et impétueux, entre en querelle ouverte avec l’évêque qui l'accuse d'incendies, de pillages, de destructions. La réponse ecclésiastique est ferme. Le jeune seigneur, contraint, plie devant la puissance de l’Église.

Vassal de l’Église 

En décembre 1090, un acte solennel scelle la soumission : Guilhem prête serment à l’évêque de Maguelone, reconnaissant tenir Montpellier de lui et s’engageant à protéger les biens de l’Église. Cet acte d’allégeance se révélera habile. En acceptant la vassalité ecclésiastique, Guilhem récupère des terres perdues et consolide son autorité sur la seigneurie. Il se place sous la protection spirituelle de l’Église tout en renforçant son pouvoir.

L’appel de l’Orient

En 1095, l’appel du pape Urbain II à libérer Jérusalem résonne dans tout l’Occident. Guilhem, avide de gloire et de salut, prend la croix. Avant de partir, il organise la régence de Montpellier : il confie la ville au frères Aymoin, Bernard et Raymond, certainement issus eux aussi du fondateur de la dynastie. Ils sont suffisamment riches pour aider Guilhem V à financer son expédition. Ils lui prêtent une importante somme d'argent. C'est un pari risqué pour les deux frères, qui ne sont nullement assurés de revoir leur seigneur vivant. 

En Terre Sainte

En Orient, le voyage est éprouvant : les croisés affrontent la faim, la soif, les embuscades et les maladies. Mais Guilhem V se distingue par sa bravoure. Les chroniqueurs louent sa vaillance. Meneur d'hommes, il a la confiance des chefs militaires de l'expédition. En juillet 1099, il figure parmi les croisés qui pénètrent dans Jérusalem, après une conquête marquée par le feu et le sang.

Alors que beaucoup de chevaliers rentrent en Europe, Guilhem choisit de rester et de prendre part à la défense du tout jeune royaume chrétien de Jérusalem. Ce n’est qu’en 1103 qu’il revient à Montpellier, ramenant avec lui une précieuse relique : celle de Saint-Cléophas.

 

chevalier croisé
Chevalier croisé - Psautier de Westminster - © British Library, Londres

Une dette à honorer

Son retour est amer. Il réalise qu’il a laissé entrer les loups dans la bergerie. Durant les sept années qu'a duré son absence, les frères Aymoin ont peu à peu usurpé ses droits seigneuriaux au point de s’installer dans son château, à l’angle des actuelles rues de l’Aiguillerie et de Carbonnerie. Et loin de vouloir se retirer, ils exigent désormais le remboursement du prêt considérable qu’ils lui avaient accordé.

Si la Croisade a offert à Guilhem V une renommée durable, elle ne lui a apporté aucun enrichissement. Contraint de négocier avec cette famille ambitieuse, il paie ses dettes au prix fort. Il leur cède le château de ses ancêtres et renonce à une partie de ses prérogatives. Les Aymoin obtiennent ainsi la viguerie à titre héréditaire, devenant les maîtres de la justice seigneuriale. Grâce aux taxes qu’ils perçoivent, ils s’assurent désormais d’importants revenus.

Le commerce est encouragé 

Pour compenser ces pertes financières, Guilhem V se tourne vers le commerce et pose les bases de ce qui fera très vite la renommée de Montpellier. En Orient, il a mesuré les richesses du monde et a compris les avantages que sa cité pouvait en tirer. Il s’attèle à désensabler le port de Lattes, unique débouché sur la mer de son domaine. Il instaure les Consuls de mer, des agents chargés de collecter les taxes sur les marchandises débarquées à Lattes, qui devient alors essentiel à l’économie montpelliéraine. Dans le même temps, il réduit les droits de péage sur les produits entrant à Montpellier. 

Les draps teints de Montpellier

Cette politique porte ses fruits. Les vendeurs affluent sur les marchés de la ville. Drapiers, tanneurs et potiers les animent. Par bateaux, huile d’olive et vin s’exportent bien, mais ce sont surtout les draps teints produits par les artisans locaux qui assurent la réputation de la cité. Le privilège de la teinture restera d’ailleurs réservé aux artisans montpelliérains jusqu’en 1226.

Fidèle serviteur de l’Église, dont il a bien compris la puissance, Guilhem V reprend la croix en 1114. Cette fois, il s’engage aux côtés du comte de Barcelone pour combattre les Maures et reconquérir l’île de Majorque. Cette expédition marque le début de liens étroits avec la Catalogne, des relations que ses descendants continueront de cultiver.

L'essor d'une dynastie

Guilhem V meurt en 1121. Il n'a pas 50 ans. Il laisse à ses six enfants une seigneurie agrandie et prospère. Son testament témoigne de ses conquêtes : Aumelas, Montarnaud, Saint-Pons, Villeneuve. Il compte parmi ses vassaux directs les seigneurs du Pouget, de Montferrier, de Cournonsec et de Pignan. 

Son ultime geste politique est le mariage de sa fille aînée, Guillemette, avec le comte Bernard de Melgeuil. Cette union marque une véritable ascension sociale pour la lignée montpelliéraine : issue d’une famille de seigneurs sans passé illustre, elle s’unit désormais à une maison comtale d’ancienne noblesse.


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