Les explorations musicales d'Annabelle Playe

19-10-25 - 06:30
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Compositrice, interprète électroacousticienne française, Annabelle Playe est en résidence à l’Opéra Orchestre National de Montpellier. L’occasion de découvrir avec elle les musiques contemporaines et expérimentales. Avec deux rendez-vous en mars et avril, dont un spectacle pour jeune public : Couak !
Sur scène au synthétiseur, la compositrice Annabelle Playe
Deux rendez-vous avec Annabelle Playe, les 28 et 29 mars pour le spectacle jeune public "Couak" et le 16 avril, avec Magna + Ubik - © Quentin Chevrier
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Sur la scène, une dame en blanc ouvre un parapluie duquel tombent des flocons comme des plumes blanches. Vocalises, gesticulations, bruits de bouche, sons étranges… Mais que se passe-t-il ? Ambiance onirique, poétique et un peu délirante, plongez dans l’univers de Couak, spectacle jeune public (à partir de 4 ans) à découvrir en famille les 28 et 29 mars à 17h à l'Opéra Comédie. Nouvelle incursion de l’Opéra Orchestre National Montpellier dans le répertoire des musiques contemporaines, dans le cadre d’une résidence de création de Annabelle Playe. Déjà invitée l’an dernier, autour d’une performance audiovisuelle immersive, la compositrice, interprète électroacousticienne française revient avec cette nouvelle proposition, suivie le 16 avril, à l'opéra Comédie, de Magna, « sabbat électro » pour trois performeuses, mêlant musique, danse, vidéo et lumière, prolongé d’un « after techno live », Ubik. 

Qu’est-ce qui vous a mené à la musique et à la composition ?

Annabelle Playe : Un concert auquel j’ai assisté sur les docks du port de Boulogne-sur-Mer où je vivais quand j’étais petite. Ce pouvoir de la voix humaine, l’orchestre symphonique qui jouait « en vrai ». Ça a été une révélation. J’ai voulu apprendre le chant lyrique. J’avais 13 ans, j’étais encore un peu jeune, ma voix n’était pas formée, mais je me suis tellement incrustée que finalement la prof m’a acceptée. Et j’ai suivi tous les cours de musique que je pouvais : solfège débutant, enfant, adulte… L’accompagnatrice au piano de la classe de chant a vu ma motivation et m’a donné des cours particuliers. À partir de là, mes parents qui n’avaient pas beaucoup de moyens, m’ont acheté un vieux piano dans une salle des ventes. Il était très beau, avec de jolis candélabres, mais il sonnait complètement faux. Mais c’est pourtant sur ce piano que j’ai commencé à composer. J’avais très peu de moyens techniques, je n’avais pas la connaissance théorique de la composition, mais le geste de créer mes musiques a été immédiat, dès que j’ai eu l’instrument. Y compris à la voix.

Et la rencontre avec le répertoire contemporain ?

A.P. : C’est venu quelques années plus tard. J’écoutais beaucoup la radio, tard le soir, notamment France-Musique. J’étais passionnée par tout, le rock, le jazz, le classique. Et puis un jour j’ai découvert la musique improvisée, électroacoustique. J’ai trouvé ces musiques tellement ouvertes, en dehors de tout ce qu’on pouvait attendre d’une musique, que je me suis dit : « pourquoi pas moi aussi ? ». Après le Bac je suis partie en école de musique à Paris. J’y ai continué le chant et j’ai suivi aussi des cours de composition. J’ai ensuite rencontré un électroacousticien, Jacques Dinet, compositeur à Marseille qui m’a permis de faire mes premières créations en musiques mixtes. Et un peu plus tard, un ami musicien m’a prêté sa maison un été. J’y avais à disposition une multitude de synthétiseurs analogiques. Et j’ai commencé à explorer ces machines, créé un premier album qui a suscité l’intérêt d’un artiste visuel, réalisé une première performance… En fait mon parcours s’est fait par couches successives, de manière assez hybride…

Vous êtes en résidence à l’Opéra Orchestre National Montpellier. Comment s’est faite la connexion ? 

A.P. : La directrice de l’Opéra, Valérie Chevalier, a toujours été attentive à mon travail. J’étais très heureuse lorsqu’elle m’a proposé de collaborer avec l’Opéra dans le cadre d’une résidence, commencée l’an dernier et qui va se poursuivre cette saison. C’est formidable pour moi, qui vient du chant classique, et après toutes ces années de parcours un peu hybride, autodidacte, de revenir à cet endroit, avec une équipe aussi attentive à la présence des femmes, créatrices, compositrices à l’opéra. Elles sont nombreuses, mais pourtant, ne serait-ce que dans le domaine des musiques électroniques, beaucoup ont été invisibilisées pendant le 20e siècle, alors qu’elles ont contribué à créer des logiciels, à développer de nouveaux langages. 

Quels sont les engagements liés à une résidence ?

A.P. : Je ne suis pas seule en résidence, mais avec toute mon équipe d’artistes, de techniciens. Le 30 janvier dernier, nous avons pu présenter Ars Natura, une performance audiovisuelle immersive mêlant son, composition musicale, lumière et vidéo en images de synthèse 3D qui explorait notre rapport à la nature et au vivant. J’ai pu participer à une série d’ateliers proposés par le musicien compositeur Rémi Fox où j’ai pu présenter un solo pour des lycéens autour des instruments avec lesquels je travaille. Il y a eu aussi une petite résidence de reprise d’un duo joué au mois de mai dernier « Elephant ! You shake your sheep » avec Harry Groski-Brown, un musicien écossais, mêlant cornemuse et musique électro, sans oublier les créations lumières de Rima Ben-Brahim.

visuel ars natura
Ars Natura, créé le 30 janvier 2025 - © DR
Elephant you shake
"Elephant ! You shake your sheep", avec Harry Groski-Brown - © Neil Jarvie
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visuel ars natura
Ars Natura, créé le 30 janvier 2025 - © DR
Elephant you shake
"Elephant ! You shake your sheep", avec Harry Groski-Brown - © Neil Jarvie

Et le programme pour la saison 2025-2026 ?

A.P. : Il y aura en avril la reprise de Magna, une pièce en triptyque, montée pendant le COVID, et qui sera pour l’occasion prolongée d’un after, Ubic. Où nous inviterons le public à nous rejoindre et danser avec nous. Autour de cette pièce je vais mener un travail d’atelier avec l’association Le Mouvement du Nid, pour proposer autour des musiques électroniques un travail autour du corps, de la voix et du mouvement. Et puis il y aura, avant ça, la reprise d’un spectacle jeune public, Couak !, sous forme de petite scénographie, autour d’un personnage un peu poétique qui traverse différents univers vocaux, où le corps est impliqué dans les partitions. Avec plusieurs représentations pour les scolaires du 27 au 31 mars.

photo couak
"Couak !" - © DR
photo magna
Magna - © Quentin Chevrier
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photo couak
"Couak !" - © DR
photo magna
Magna - © Quentin Chevrier

Une forme d’hommage au choc musical que vous avez reçu vous-même dans votre enfance ?

A.P. : Par le passé j’ai beaucoup travaillé en éveil musical, en crèche avec les tous petits. J’ai toujours eu envie de faire connaître aux plus jeunes ce répertoire. Couak ! explore le répertoire des musiques vocales de ces 60 dernières années, qui font partie désormais de l’histoire de la musique. Des œuvres signées Georges Aperghis, John Cage, Jacques Rebotier, Luciano Berio, Cathy Berberian. Peut-être pas très connues et diffusées auprès du grand public, mais c’est important qu’elles fassent partie des connaissances des jeunes, de tout le monde en fait. Pour montrer qu’on peut déconstruire des langages, qu’on peut s’en amuser, que ça peut être drôle, ludique et poétique. Et pas seulement intellectuel et hermétique…  

 

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trio magna
Autour d'Annabelle Playe, Cassandra Munoz et Nadia Ratsimandresy - © Quentin Chevrier

Samedi 28 mars – 11h et 17h – Salle Molière / Dimanche 29 mars – 11h et 17h – Opéra Comédie

Couak !

Dans ce spectacle étonnant, l’interprète, entre clown et diva, déambule dans un univers scénique tout en rondeur, où chaque son devient jeu et chaque jeu devient son. (Durée : environ 35 minutes. Dès 4 ans)

Annabelle Playe (conception et direction artistique) ; Cécile Rives (interprétation) ; Séverine Parouty/Eric Maurer (regards complices ; Hervé Chapelon (lumières) ; Julien Bucci (images)

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Jeudi 16 avril – 19h – Opéra Comédie

Magna + Ubic After techno live.

Trois performeuses, trois récits, trois espaces, trois sorcières des temps modernes qui célèbrent la puissance créatrice des femmes, à ce qu’elles ont de magna, de grand. Suivi de l’after techno live Ubic.

Annabelle Playe (conception, composition, live électronique) ; Cassandra Munoz (artiste chorégraphique) ; Nadia Ratsimandresy (composition, onde Martenot)

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Source URL: https://encommun.montpellier.fr/articles/2025-10-19-les-explorations-musicales-dannabelle-playe