Série : Ils font la ligne 5 de tramway / épisode 11

Ligne 5 : Thierry Jammes et le CLCPH ont travaillé sur l’accessibilité

06-12-25 - 14:00
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Depuis la création du tramway à Montpellier, le Comité de liaison et de coordination des associations pluriel handicaps (CLCPH) travaille avec TaM et la Métropole à l’accessibilité du réseau. De nombreuses améliorations, qui bénéficient souvent à tous les usagers, ont ainsi été apportées sur la ligne 5. Interview de Thierry Jammes, vice-président en charge de l’accessibilité des mobilités au sein du CLCPH.
Thierry Jammes sur le chantier de la ligne 5 de tramway
Thierry Jammes, déficient visuel, sur le chantier de la ligne 5 de tramway - © DR
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Quel est votre rôle au sein du Comité de liaison et de coordination des associations pluriel handicaps ?

Thierry Jammes : J’anime un groupe de bénévoles qui ont un certain niveau d’expertise d’usage, quel que soit le handicap. Nous sommes l’interlocuteur des instances publiques ou privées pour rendre accessibles les mobilités. J’ai travaillé pendant quinze ans sur les règlements nationaux et européens. 

Quand ce comité a-t-il été créé ?

T. J. : Dans les années 80, à la demande de Georges Frêche qui en avait marre d’avoir le défilé du 14 juillet des handicaps dans son bureau qui venaient demander tout et son contraire ! Il a demandé à Louis Gravier de réunir tout le monde pour avoir un seul interlocuteur. C’était une démarche unique à l’époque.

Depuis quand faites-vous partie du CLCPH ?

T. J. : Je suis arrivé pendant la ligne 1, mais je n’étais pas encore en responsabilité. La problématique de l’accessibilité à Montpellier a débuté à cette époque. Dès qu’un tram passe, il impacte la ville, la chaussée, de mur à mur. C’est l’occasion de la rendre accessible. 

Ligne 1 de tramway
Dès l'arrivée de la ligne 1, le Comité a travaillé sur l'accessibilité du tramway - © C. Marson

Quels ont été les impacts du CLCPH sur la ligne 1 ?

T. J. : Ils ont été nombreux. Par exemple, les ascenseurs du Corum qui permettent d’accéder à l’arrêt de tram ont fait partie de la négociation de la ligne 1. On a aussi beaucoup travaillé sur les quais des arrêts et mis en place des aménagements qui bénéficient aujourd’hui à toutes lignes. Certains sont même rentrés dans la législation nationale comme un repère central de quai tactile. Nous avons à l’époque également demandé que les marches à l’intérieur des rames de la ligne 1 disparaissent. Ainsi, on a obtenu une plateforme à la place des marches pour les autres lignes… Montpellier est un laboratoire grandeur nature ! 

Comment travaillez-vous avec la Métropole et TaM ?

T. J. : On a une vraie écoute, une compréhension mutuelle des difficultés des uns et des autres. Depuis cette mandature, c’est la première fois où nous sommes pris en compte dès l’origine des projets. Pour tous les aménagements d’espace public, pas seulement autour du tram, on nous soumet les plans, on les travaille avec les techniciens en amont. Ce qui a permis de les faire évoluer. En 2024, nous avons consulté 500 plans !
 

« Depuis cette mandature, c’est la première fois où on est pris en compte dès l’origine des projets. »

Combien de personnes travaillent sur ces plans au CLCPH ?

T. J. : Nous sommes une quinzaine de bénévoles représentants tous les handicaps. C’est certes beaucoup de travail, mais cela vaut le coup pour avoir demain une ville accessible pour tous. C’est un travail collectif. Les techniciens peuvent connaître les textes, mais ils ne savent pas toujours comment les appliquer.

Comment vous conciliez les besoins des différents handicaps ?

T. J. : Ce n’est pas facile. On se met autour de la table et on discute. En règle générale, ce qui est bon pour le handicap visuel, est bon pour le handicap mental, ainsi que pour les personnes sourdes et malentendantes. Ce sont des repères visuels dans l’espace. Là où il peut y avoir des contradictions, c’est entre les personnes en fauteuil et les déficients visuels. Les personnes en fauteuil veulent que tout soit à plat alors que pour le handicap visuel, nous avons besoin de relief. Une fois un accord trouvé, notre technicien salarié au sein du comité fait un compte rendu, point par point, image par image et répond au donneur d’ordre. Ce compte rendu est partagé avec les élus et les techniciens concernés.

Essais de la ligne 5 et ajustements aux millimètres pour un tramway accessible à tous
Essais de la ligne 5 et ajustements aux millimètres pour un tramway accessible à tous - © C. Marson
Ajustement tram ligne 5
© C. Marson
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Essais de la ligne 5 et ajustements aux millimètres pour un tramway accessible à tous
Essais de la ligne 5 et ajustements aux millimètres pour un tramway accessible à tous - © C. Marson
Ajustement tram ligne 5
- © C. Marson

Quels aménagements spécifiques ont été réalisés sur la ligne 5 ?

T. J. : Nous avons notamment travaillé sur les bordures « biaises » entre le trottoir et la piste cyclable. Nous nous sommes mis d’accord sur une certaine inclinaison franchissable pour les fauteuils et qui reste un fil conducteur pour les déficients visuels. Même chose entre le tram et le trottoir ou la route. Cette bordure « biaise » peut-être franchie si nécessaire et constitue un repère pour les déficients visuels afin qu’on ne marche pas au milieu des voies…

« À chaque problème, on essaye d’apporter une solution. »

Vous avez toujours réussi à résoudre les problèmes d’accessibilité ?

T. J. : On trouve toujours une solution, mais parfois il y a des surprises… C’est le cas des derniers chemins de guidage réalisés sur l’Esplanade, la ligne 5 ou encore le bustram. Ils ont été conçus avec un environnement de béton désactivé très granuleux, pour réduire la glissance du sol, mais malheureusement, je ne peux pas la détecter avec ma canne. La Ville et la Métropole ont voulu bien faire en suivant le règlement, mais au final, il y a un problème auquel nous n’avions pas pensé. Ce type de revêtement annule le contraste visuel. Du coup, il va être poncé entre les deux bandes de guidage. À chaque problème, on essaye d’apporter une solution.

Sur quoi avez-vous travaillé pour rendre plus accessibles les rames de la ligne 5 ?

T. J. : Nous n’avons pas pu aller chez le fabricant, CAF, mais nous avons été associés à leur conception. Par exemple, on a fait en sorte que la tulipe centrale qui permet de se tenir ne soit pas trop basse pour ne pas empêcher les fauteuils de passer. La capacité d’accueil pour les fauteuils a été augmentée, il y a sur les rames CAF trois places. Les double-portes sur toutes les entrées de la rame laissent aussi plus d’espace…

Les rames CAF comprennnet trois places pour les personnes handicapées contre deux dans les précédentes rames
Les rames CAF comprennent trois places pour les personnes handicapées contre deux dans les précédentes rames - © C. Marson

Quelles sont les améliorations pour les déficients visuels ?

T. J. : On a travaillé sur les balises sonores placées sur la porte d’entrée extérieure. Elles sont déclenchées avec la commande des feux tricolores sonores que toute personne déficiente visuelle possède. Ainsi, dès que le tram arrive, grâce à cette télécommande, on sait quelle rame entre en station. À l’intérieur de la rame, on a également redistribué le son avec des haut-parleurs au plafond, tous les 2-3 mètres sur tout le tramway. Ce qui n’est pas le cas sur les rames Alstom. Le contraste visuel entre les différents éléments des rames, les sièges, le sol… permet aussi aux déficients visuels de se repérer.

Vous êtes intervenus aussi sur le design de la ligne 5 ?

T. J. : On a demandé que le design des rames soit visuellement interprétable. À Montpellier, c’est toujours le cas. Pour les personnes en situation de handicap mental, par exemple, c’est très important. Mais c’est pratique pour tout le monde.

On vous a décrit la ligne 5 ? Qu’en pensez-vous ?

T. J. : Oui, c’est très marrant, tout le monde ne voit pas la même chose. Ce que j’en retiens, c’est qu’il y a des contrastes et des dessins interprétables par les uns et les autres. C’est un habillage qui laisse travailler l’imaginaire des gens, c’est top !

Globalement, Montpellier a évolué au niveau de l’accessibilité ?

T. J. : Montpellier change profondément. Le monde du handicap va devoir s’adapter à ces changements. Notre rôle est de recréer des repères dans l’espace public pour le déplacement des personnes handicapées. Nous accompagnons le changement. Les choses se font progressivement. Montpellier sera plus accessible demain qu’aujourd’hui.

>>> Retrouvez la série d'encommun.montpellier.fr sur les femmes et les hommes qui font la ligne 5 de tramway.


Source URL: https://encommun.montpellier.fr/articles/2025-12-06-ligne-5-thierry-jammes-et-le-clcph-ont-travaille-sur-laccessibilite