« Je suis l’homme le plus connu de mon régiment, grâce à ma grande taille ». Ainsi écrivait Frédéric Bazille à ses parents le 16 novembre 1870. Quelques jours seulement avant d’être tué par les balles prussiennes, lors d’un assaut donné à Beaune-la-Rolande. Il allait avoir 29 ans.
Grand, Frédéric Bazille le fut certainement par sa taille. Il mesurait un mètre quatre-vingt-huit. Mais encore plus par son talent de peintre, que la mort vint interrompre avant d’avoir atteint sa pleine maturité. Aujourd’hui considéré comme l’un des précurseurs de l’impressionnisme, ses toiles figurent dans plusieurs grandes collections publiques et privées. À Montpellier, ville où il est né le 6 décembre 1841, le musée Fabre en a fait une de ses icônes. Mais on le trouve aussi exposé dans d’autres grands musées français, comme au musée d’Orsay, ou en Suisse, ainsi que dans plusieurs institutions américaines. Et sa place ne cesse de s’affirmer aux côtés de ses pairs, qui furent aussi ses amis, Monet, Renoir, Sisley…
Car l’homme fut tout autant aimé et apprécié que l’artiste. Et l’annonce de sa mort accabla de douleur famille, amis et proches. « C’est une moitié de moi-même qui s’en va. J’étais lié avec lui d’une amitié profonde et de tous les jeunes gens que j’ai connus, Bazille était le mieux doué, le plus aimable dans tous les sens du mot », écrivit Edmond Maître à son père Gaston Bazille.
Ce père, avocat, viticulteur, homme politique, qui avait rêvé pour son fils une carrière de médecin et non ce destin de peintre. Et encore moins de soldat. Et qui n’hésita pas à traverser la France et les champs de bataille pour aller récupérer la dépouille de son fils. Ce père qui, en 1884 fit ériger sur la tombe familiale, un monument funéraire surmonté du buste de son fils sculpté par Auguste Baussan (1829-1907).
C’est donc cet ensemble mémoriel, installé tout près de l’allée centrale du cimetière protestant de Montpellier, qui vient d’être rénové à l’initiative de l’association D’hier à demain Frédéric Bazille, présidée par Vincent Hatt. « Acte de reconnaissance de l’amour d’un père pour son fils », le monument rénové s’est attaché à restituer l’éclat de la pierre d’origine, telle qu’elle sortit de l’atelier il y a quelques 140 ans. Mais aussi à nettoyer les escaliers et pourtours, à reprendre les plaques et gravures des noms. Sans oublier également la rénovation de la statue de bronze de La Jeunesse, silhouette féminine brandissant une palme, redorée pour l’occasion, signée par l’artiste Henri Chapu (1833-1891), spécialiste de la sculpture funéraire.
Ce travail de rénovation a été financé grâce à un appel aux dons lancé par l’association, dès septembre 2023, ouvert tant aux participations privées que publiques, via notamment la plateforme Fondation du Patrimoine. La Ville de Montpellier ayant pour sa part, financé le projet à hauteur de 50 %, compte tenu de la place unique de Frédéric Bazille « dans la mémoire collective de Montpellier ».
Cimetière protestant de Montpellier - 1 avenue de Palavas - 04 67 65 82 93 - Ouvert tous les jours, de 8h à 17h.
Le saviez-vous ?
Talent, jeunesse, beauté, destin foudroyé : tel un James Dean du XIXe siècle, tous les ingrédients étaient en place pour donner à Frédéric Bazille une légende à la hauteur de son parcours extraordinaire. Quelques auteurs s’inspirent de sa silhouette et en font l’un des héros de leur roman. Comme Émile Zola, qui fut l’un de ses proches et qui donne à Félicien de Hautecoeur, son héros du « Rêve » publié en 1888, les traits du peintre Montpelliérain.
Plus étonnant encore, Auguste Baussan, en 1884, l’année même où est inauguré le buste du tombeau au cimetière protestant, se voit confier par l’administrateur de la paroisse Saint-Roch, une statue du Saint-Patron de Montpellier. Elle sera de marbre. Et pour figurer le saint, le sculpteur le représentera sous les traits de Frédéric Bazille.
En 1894, Auguste Baussan, travaillant sur le buste de Jules Émile Planchon, prévu pour le square qui porte son nom (en face de la gare), ajoute à son ensemble la silhouette en pied d’un vigneron. Et pour inspiration au visage de ce jeune homme venu offrir une grappe de raisin, une fois encore Baussan fait appel au souvenir de Frédéric Bazille.
Plus proche de nous, à noter la silhouette de Frédéric Bazille, tenant sa palette, sur la fresque urbaine en trompe l’œil de la place Edouard-Adam (au croisement du boulevard du Jeu de Paume et de la Grand Rue). Elle a été réalisée en 2005 par Agnès et Olivier Costa (Mad’Art Concept).
L'APPEL AUX DONS SE POURSUIT
Le chantier de rénovation du tombeau de Frédéric Bazille se poursuit : reprise des inscriptions latérales, travail d'entretien pour la préservation de la pierre et du bronze, nettoyage des abords... L'Association D'Hier à Demain, Frédéric Bazille, vous invite à répondre à la campagne d'appel aux dons toujours en cours sur le site de la Fondation du Patrimoine >>>