Patrimoine

Trois fois Colette

01-01-24 - 17:00
Entre 1909 et 1924, Gabrielle Sidonie Colette, plus connue sous le seul nom de Colette, offre trois étapes à Montpellier. Écrivaine, mime, comédienne, ou raconteuse, elle y promène son goût du voyage, sa curiosité, ses besoins d’argent et son immense liberté.
Photo de Colette au balcon de son appartement
Gabrielle Sidonie Colette (1873 - 1954) est venue trois fois à Montpellier - ©gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de France
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"Reçu ta carte de Montpellier"

« Minet Chéri. Reçu ta carte de Montpellier. Vous avez eu un peu de temps à vous pour visiter cette belle ville : je vous envie » … Le premier passage de Colette à Montpellier remonte avant la Grande Guerre, le 27 avril 1909, à l’occasion d’une tournée organisée par Charles Barret. Après Marseille, Toulon, Nîmes, elle vient jouer dans notre ville le rôle-titre de Claudine. Elle tient consciencieusement son journal de bord, et à chaque étape de la tournée ne manque pas d’envoyer quelques mots à sa mère. Séparée de son mari, Henri Gauthier Villars, le célèbre « Willy », elle est contrainte de gagner sa vie. Elle vit une grande passion avec « Missy », fille du duc de Morny, le frère de Napoléon III. Deux ans plus tôt, le duo a fait scandale en échangeant un baiser sur la scène du Moulin Rouge. Et dès l’annonce de l’étape montpelliéraine, les guichets du petit théâtre de l’Eldorado, situé rue du Pont de Lattes (1)* ont été pris d’assaut. Peu importe la pièce, maladroitement assemblée, le succès est au rendez-vous. 

L'Eldorado, rue du Pont de Lattes, où Colette se produisit sur scène entre 1909 et 1910.
L'Eldorado, rue du Pont de Lattes (actuelle rue de Verdun), où Colette se produisit sur scène entre 1909 et 1910 - ©D.R.

Sur la scène de l’Eldorado

Colette revient à Montpellier un an plus tard. Le 20 avril 1910, elle retrouve la bonbonnière de l’Eldorado, ses parquets, ses tentures Liberty, son magnifique plafond de verre. Elle interprète deux courtes pièces de Courteline que Charles Barret a fait précéder d’un brûlot anticlérical de Jules Renard :  La Bigotte. Si une certaine partie du public a décidé de bouder la pièce, la prudente Colette n’en a que faire. Puisque comme elle le confie à sa mère, « je m’en fiche, je touche un cachet fixe, sans intérêt sur la recette ». Un journaliste de l’Echo des Etudiants, lui a fait remettre sa carte. Elle le reçoit dans sa chambre de l’Hôtel du Midi, assise sur un pouf, vêtue d’un simple pagne de soie mauve. Mais devant Colette, l’étudiant perd un peu ses moyens. Il voulait l’interroger sur le féminisme. Que pense t’elle des suffragettes ? Elle balaie la question d’une paupière ennuyée. Elle se contente « de vivre sa vie comme elle peut, sans avoir le désir d’approfondir certaines choses… »

Affiche de l'opérette adaptée de la série des Claudine
En octobre 1922, l'opéra de Montpellier accueille les représentations d'une opérette en trois actes inspirée de la série des Claudine - ©D.R.
Caricature de Colette publiée dans le journal montpelliérain l'Echo des Etudiants
Colette, croquée par le dessinateur du magazine montpelliérain L’Echo des Etudiants - ©D.R.
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Affiche de l'opérette adaptée de la série des Claudine
En octobre 1922, l'opéra de Montpellier accueille les représentations d'une opérette en trois actes inspirée de la série des Claudine - ©D.R.
Caricature de Colette publiée dans le journal montpelliérain l'Echo des Etudiants
Colette, croquée par le dessinateur du magazine montpelliérain L’Echo des Etudiants - ©D.R.

Une conférence sur le music-hall

10 novembre 1924. À la veille des fêtes de l’Armistice, la ville entière s’est pavoisée. Si bien qu’autour de la salle des Concerts, tout semble acclamer le retour de la grande Colette. L’auteur du Blé en Herbe, paru l’année précédente, vient donner une conférence sur le thème du music-hall. Elle s’y inspire de ses six années de carrière passées sur les planches. On est venu pour voir Claudine. Et c’est une dame de 51 ans, vêtue de fourrures, l’œil lourdement fardé, le visage en pointe et le sourire ironique qui entre en scène à 20 h45 précises. Accrochée à ses notes écrites sur papier bleu, elle semble improviser son monologue bien rôdé, d’une voix aux accents rocailleux. Elle raconte Dolly, la girl anglaise, Ida l’haltérophile, Maurice Chevalier, Sarah Bernhardt qu’elle mime avec talent. Demain elle sera à Perpignan, puis à Narbonne, le jour suivant encore à Carcassonne. Elle emporte dans ses malles le texte de Chéri qu’elle va jouer le mois prochain à Marseille et Monte-Carlo. Elle offre avant de partir un brin de menthe à sa consœur montpelliéraine, l’écrivaine Jeanne Galzy, qui lui rend hommage dans le journal du lendemain : « Colette est un grand poète, un poète instinctif, qui a reflété le monde avec cette ingénuité du génie pour qui tout est découverte… » 

  1. Rue du pont de Lattes : ancien nom de la rue de Verdun. L’Eldorado se trouvait à l’emplacement actuel du cinéma Diagonal Capitole.
Vue de la salle des concerts, actuelle salle Molière
C’est dans une salle des Concerts (actuelle salle Molière) archicomble, que Colette revient à Montpellier en 1924 pour une conférence sur ses souvenirs de music-hall - ©H. Rubio