Comment devient-on cheffe costumière à l’Opéra de Montpellier ?
Fatma Zemouli : C’est un métier que j’ai toujours voulu faire. Déjà toute petite j’étais fascinée par les vêtements, les costumes, la mode… J’ai donc fait des études, passé des concours, suivi des formations. J’ai démarré très jeune au département des costumes du théâtre des Treize Vents à Montpellier. Ensuite j’ai travaillé comme assistante de Bruno Fatalot, directeur des ateliers MBV à Paris, spécialisé dans la confection des costumes de spectacle. Et pendant plusieurs années pour l’Opéra de Metz. Et puis un jour, le Sud m’a manqué et avec mon compagnon on a décidé de retourner sur Montpellier. J’ai postulé à l’Opéra et j’ai tout de suite été engagée. La première production sur laquelle j’ai travaillé, c’était Les dragons de Villars, un opéra d’Aimé Maillart. J’avais à peine 20 ans.
Comment se présente le département des costumes ?
F.Z. : L’atelier principal est installé au premier étage de l’Opéra Comédie. Nous avons aussi un atelier de stockage dans les sous-sols et puis un autre, plus grand, en extérieur. L’équipe est composée de deux permanentes, moi et mon adjointe Elisabeth Twardowski. Et elle se complète d’une dizaine d’intermittentes, avec lesquelles je travaille depuis plusieurs années. Elles occupent différents postes en fonction des productions, certaines à la préparation, d’autres à la couture, ou à l’habillage…
Quel est son rôle ?
F.Z. : C’est très varié, selon que l’on travaille sur une création ou sur un spectacle accueilli. Dans certaines maisons, les créations peuvent se travailler deux ans à l’avance. À Montpellier on est plutôt sur une moyenne de six mois. Nous ne dessinons pas les costumes. Généralement, le metteur en scène a son propre costumier ou son décorateur. Tout le monde se retrouve pour le dépôt de maquette, où l’on va détailler toutes les pièces nécessaires à la production. Établir, en fonction du budget, ce qui doit être fabriqué et puis ce que l’on peut acheter, louer ou recycler dans nos stocks de productions précédentes… En ce qui concerne les productions accueillies, le travail se concentre essentiellement sur l’entretien et l’adaptation des costumes. C’est un travail très important. Les choristes, les solistes, changent et leurs gabarits avec. On peut passer d’une taille 36 à un 48. C’est parfois plus difficile d’adapter un costume que d’en créer un…
Quelles sont les qualités indispensables pour exercer ce métier ?
F.Z. : Il faut de la patience, bien sûr. Une connaissance des tissus, de l’histoire des costumes. Et puis aussi du sang-froid, une capacité à résister au stress. Je connais mon équipe et je sais qui je peux mettre à tel ou tel poste. Certaines seront à l’aise dans les changements rapides, d’autres auront plus de mal à supporter la pression.
Un bon costume de scène ?
F.Z. : Il introduit le personnage, le révèle, avant même que l’action se mette en place. Il prend bien la lumière, est visible depuis les derniers rangs de la salle. Mais il doit être aussi pratique, confortable pour celui qui le porte. Et facilement adaptable pour les équipes, avec des coutures suffisantes à l’intérieur pour permettre les nombreuses retouches… Il y a toujours des choses à régler, à vérifier, même au moment des premières répétitions. Un corsage trop serré, un ensemble trop lourd à porter.
Bons et mauvais souvenirs ?
F.Z. : L’un d’entre eux est récent. Pendant une représentation de La Vie parisienne, d’Offenbach, donnée en décembre dernier, une interprète a perdu sa jupe en scène. Heureusement, elle en a joué et a réussi à la fixer. Ça a donné un côté comique qui allait dans l’esprit du spectacle. Je ne crois pas que le public s’en soit rendu compte. Mais pour moi, en coulisses, c’était une catastrophe… Mais sinon, c’est un métier qui m’apporte beaucoup de joie. Avec de très belles collaborations. Comme celle avec David Belugou, le costumier d’Ariane à Naxos, monté en avril dernier, ou Alain Blanchot, avec qui nous avons travaillé sur l’Orfeo d’Antonio Sartorio. Des professionnels, précis, calmes, qui favorisent l’échange, la discussion. Même chose avec Christian Lacroix, venu assister à la première à Montpellier de La Vie parisienne, et qui était très content de notre travail.
Comment avez-vous vu le métier évoluer ?
F.Z. : Les contraintes financières actuelles, pèsent sur le fonctionnement de tous les opéras de France. Avec un ralentissement des productions. Moins de travail donc. Et beaucoup moins de moyens. Les metteurs en scène privilégient les costumes contemporains au lieu des costumes d’époque qui demandaient plus de temps et de travail. Certaines pièces à broder, avec incrustation de perles, des corsets à fabriquer, les fraises, collerettes, mobilisaient les équipes pendant plusieurs semaines. Aujourd’hui on en a parfois trois pour faire toute une production. Mais j’espère qu’un jour tout ça va revenir…