Le 7 janvier 1825, le marquis de Dax d’Axat réunit en urgence son conseil municipal. Le maire de Montpellier fait part de la lettre que lui a adressée son ami François-Xavier Fabre, « l’un des citoyens auxquels la ville s’honore le plus d’avoir donné naissance, et que l’Italie compte depuis longtemps au rang des plus grands peintres ». L’artiste propose de faire don à la ville de la totalité de ses collections, à condition qu’elles soient le point de départ d’un musée.
« Je possède en Italie un nombre considérable de tableaux anciens et modernes, de livres, estampes, dessins et autres objets d’art dont je me propose de faire hommage à ma ville natale ; ma bibliothèque particulière contient ce qui a été publié de plus important sur les arts, les monuments antiques, musées, galeries publiques et particulières, voyages pittoresques, etc. » S’y ajoutent les bibliothèques que ses amis, la comtesse d’Albany et le poète Alfieri, lui ont léguées. En tout, 300 peintures, dessins, sculptures et 9 000 volumes.
Un don perpétuel
Fabre est un des peintres les plus renommés de France et d’Italie. Sa proposition est une aubaine pour Montpellier qui ne possède plus que quelques bribes de la collection constituée par la Société des beaux-arts, avant la Révolution. Ne subsiste qu’une cinquantaine de tableaux abrités à la mairie. À ce don, Fabre associe ses conditions : « J’exige que cette collection doive appartenir à perpétuité à la commune de Montpellier, réunie dans un seul et même local, et qu’on ne puisse jamais en rien soustraire sous aucun prétexte : je m’en réserve la jouissance entière pour tout le reste de mes jours. »
L’artiste souhaite un droit de regard sur le choix du bâtiment qui accueillera le musée, dans lequel devra lui être réservé un logement. Il souhaite également qu’une école gratuite de dessin y soit établie.
Début des travaux en 1826
La proposition de Fabre n’est pas une surprise. L’homme est à Montpellier depuis l’automne précédent et il est certain qu’il en avait déjà parlé au maire. Pour preuve, le jour même de la lecture de la lettre, le conseil municipal vote un emprunt de 140 000 francs afin d’acquérir l’hôtel particulier du chevalier de Massilian, situé aux abords de l’Esplanade. Il avait déjà été visité et expertisé le 3 janvier par les architectes municipaux. Dès lors, tout va très vite. En avril, la vente est conclue et les travaux d’aménagement débutent en janvier 1826, et se termineront en novembre 1828.
Un succès indéniable
Le musée ouvre ses portes le 3 décembre 1828 (jour de la Saint-François-Xavier) avec un retentissement national. C’est l’un des tout premiers musées de France après le Louvre. Les cinq premiers jours, le public est admis de 11h à 15h. Il doit s’y présenter « en habits décents, n’amener ni chiens ni enfants en bas âge et laisser à l’entrée cannes, manteaux et parapluies. » Ensuite, le musée n’est accessible que les dimanches et jours fériés, aux mêmes heures et aux mêmes conditions.
Même si Stendhal se plaindra que beaucoup de tableaux soient placés trop haut, le succès est au rendez-vous et les visiteurs de marque accourent : la duchesse de Berry et les souverains des Deux-Siciles en 1829, le maréchal Soult la même année ou le duc d’Orléans en 1832, Fabre se chargeant personnellement de conduire la visite.
Un legs financier de 30 000 francs
Désormais installé à Montpellier, Fabre a auprès de lui le sculpteur Emilio Santarelli, sans doute son fils adultérin. Conseiller municipal, chevalier de la Légion d’honneur et baron, il vit pourtant ses dernières années dans le désenchantement. La goutte le paralyse, l’émergence du Romantisme l’horrifie et il supporte mal les attaques de la presse montpelliéraine qui le dénigre. Il meurt, aigri, le 16 mars 1837. Il a terni son image, trois semaines avant sa mort, en obligeant la ville à nommer directeur à vie le très réactionnaire comte de Nattes, sous peine de la révocation du legs de toutes les œuvres d’art acquises par lui depuis 1825. Mais il a aussi légué à Montpellier 30 000 francs pour agrandir le musée.
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