Biennale Euro-Africa : Wole Soyinka, montpelliérain depuis 40 ans

14-10-23 - 09:00
16-10-23 - 16:54
En 1984, Wole Soyinka devenait citoyen d’honneur de Montpellier et l’université Paul Valéry le faisait docteur honoris causa. À l’époque, l’écrivain nigérian n’avait pas reçu le Prix Nobel et était très peu connu en France.
Wole Soyinka à Montpellier le 14 octobre 2023
"L'homme meurt en tous ceux qui se taisent devant la tyrannie" Wole Soyinka - ©C.Ruiz
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« Soyinka, c’est une pensée riche et complexe. Il possède une maîtrise parfaite de la langue anglaise nourrie de sa culture yoruba et des cultures du monde. Sa poésie n’est pas pas facile à traduire mais c'est un défi passionnant. » Christiane Fioupou est professeure au Département des Études du monde anglophone, à Toulouse. Spécialisée dans les littératures du Nigeria, elle a traduit de l’anglais trois pièces de Wole Soyinka ainsi que son long poème Ode humaniste pour Chibok, pour Leah (Présence Africaine, 2022). « À la fin des années 70, Soyinka n’était connu que dans le monde anglophone. Il écrit pourtant depuis les années 60. Sa venue à Montpellier est due au CERPANA. Ceci avait requis une préparation de longue haleine, à une époque où la littérature africaine n’était pas considérée avec grand intérêt, quand elle n’était pas purement et simplement méprisée. »

Une œuvre à défricher

Le Centre d’Étude et de Recherche sur les Pays d’Afrique Noire Anglophone avait été mis en place, à la fin des années 70, à l’université Paul Valéry par des professeurs passionnés Jean Sévry et René Richard. Gisèle Pierra, à la fois comédienne et doctorante, y travaillait à une thèse sur le théâtre de Wole Soyinka. « J’ai passé ainsi deux ans à Ifé, au Nigéria, auprès de lui, assistant à son travail de metteur en scène. C’était une ambiance très joyeuse et très contestataire. » Wole Soyinka avait déjà fait plusieurs années de prison et ses relations avec le pouvoir nigérian ont toujours été compliquées. Son œuvre dénonce constamment la corruption et le fanatisme. « À mon retour à Montpellier, très vite l’idée d’organiser un colloque autour de son théâtre s’est imposé. C'est ainsi que des liens se sont tissés. »

Café gratuit 

C’est donc en ce début décembre 1984 que Wole Soyinka découvre Montpellier. Antigone est alors en chantier, les voitures roulent encore à la Comédie. Le colloque se tient sur le campus de « Paul-Va ». Il dure deux jours. Une de ses pièces Les Tribulations de frère Jéro, est jouée par les étudiants du CERPANA. Celui qui obtiendra le prix Nobel deux ans plus tard, est fait docteur honoris causa par l’université. C’était la première fois qu’une université francophone saluait ce monument de la littérature mondiale. 

De son côté, le maire de la ville n’est pas en reste. À la demande du professeur Sévry, Georges Frêche le fait citoyen d’honneur. Selon Jean-Pierre Durix, jeune enseignant qui assistait à la scène, l’auteur de La mort et l’écuyer du roi accueillit cet honneur avec une bienveillante ironie. « Soyinka fit mine d’interpréter cette distinction comme lui donnant le droit de consommer gratuitement dans chaque café de la ville. » 

Dans le cadre de la Biennale Euro-Africa, Wole Soyinka a donné un entretien public le 14 octobre à l’Opéra Comédie. 

Le maire de Montpellier Michaël Delafosse et Wole Soyinka à l'Opéra Comédie.
Le maire de Montpellier Michaël Delafosse et Wole Soyinka à l'Opéra Comédie. - ©C.Ruiz