Né à Olargues en 1832, à l’ouest du département de l’Hérault, au pied de la montagne du Caroux, Alexandre Laissac est issu d’une famille modeste. Installé à Montpellier comme négociant, il épouse une cousine éloignée, qui lui apporte en dot des propriétés viticoles. Désormais à l’abri du besoin, il va s’investir dans la politique montpelliéraine et bénéficie de l’influence de son oncle Gustave Laissac, député de l’Hérault. Le 5 février 1878, c’est la consécration. À 44 ans, il est nommé maire de Montpellier. Les maires des grandes villes étaient à l‘époque nommés par le gouvernement.
Un maire bâtisseur
Son arrivée aux affaires coïncide au moment où Montpellier est en pleine transformation. Il est, comme son illustre prédécesseur Jules Pagézy, un maire bâtisseur. Il achève définitivement la rue Foch et engage le pavage des rues. L’éclairage électrique se multiplie ainsi que la distribution d’eau courante dans les habitations de la ville.
Durant les quinze années qu’il passe à l’Hôtel de ville, il impulse de grandes réalisations. Deux ans après son accession, il inaugure le marché couvert de la place de la Croix de fer (actuelles halles Laissac). Suivront ensuite les halles, place du Marché aux fleurs (disparues aujourd’hui).
En 1879 est décidée la construction de l’hôpital Saint-Éloi, avec des aménagements et une architecture moderne. Deux ans plus tard, suite à l’incendie qui a détruit le théâtre, place de la Comédie, Alexandre Laissac lance la construction d’un nouvel édifice dont le chantier commence en 1883 et qui sera achevé en 1888. Les statues qui ornent le bâtiment sont l’œuvre du sculpteur Injalbert. Amateur d’art, le maire passe également commande à plusieurs artistes, dont les lions, à l’entrée du Peyrou.
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Un libre penseur militant
Alexandre Laissac est un républicain, libre penseur. Anticlérical, il entend appliquer les idées de la République face à l’Église, qui à l’époque était l’ennemie. Il débaptise bon nombre de rues pour leur donner des appellations plus conformes à l’esprit républicain. C’est ainsi que la rue Saint-Roch devient rue de la République, la rue Nicolas-Fournier (ancien évêque de Montpellier) est rebaptisée rue Lakanal, etc. En 1880, il interdit les processions religieuses sur la voie publique et lance l’idée d’honorer Auguste Comte, le montpelliérain fondateur du Positivisme. Cette décision suscite des grincements de dents parmi les catholiques qui honnissent ce philosophe qui avait décrété la mort de Dieu. L’idée, sans être abandonnée, restera dans les tiroirs et ce n’est qu’en 1911 que sera inauguré un monument sur l’Esplanade.
Défenseur de l’école républicaine
Contemporain de Jules Ferry, Laissac multiplie l’ouverture d’écoles primaires, notamment l’école Victor-Hugo, près de la gare en 1884. Mais son grand fait d’arme réside dans l’ouverture en 1881 du premier lycée de jeunes filles en France, ôtant ainsi à l’Église son rôle prédominant dans l’instruction de la moitié de la société française. Les premières lycéennes sont issues des familles aisées de Montpellier, souvent protestantes (Bazille, Westphal, Leenhardt). Les professeurs sont des femmes, fraîchement émoulues de l’École Normale de Sèvres. La première directrice, mademoiselle Ruello, a un caractère difficile. Ses heurts avec le maire sont fréquents, son autoritarisme braque les élèves à tel point que l’annonce de sa mutation en novembre 1882 provoque une manifestation de joie des élèves. Une réaction, exploitée à la Chambre des députés par un élu de droite : « Les élèves ont cassé des vitres… elles ont chanté la Marseillaise… elles ont fait entendre des paroles qui ne sont ni des modèles de style ni des modèles de bon goût. » Néanmoins, le lycée connaît un succès immédiat et compte près de 300 élèves en 1886. Attentif à la renommée de sa ville, Alexandre Laissac œuvre pour que le gouvernement désigne Montpellier comme ville universitaire de plein droit, un privilège perdu à la Révolution. Il reçoit d’ailleurs en grandes pompes le président Sadi Carnot en mai 1890 pour la commémoration du 6e centenaire de l’Université de Montpellier.
Populaire auprès des habitants
L’homme est populaire auprès de ses administrés. Son allure simple mais élégante, sa courtoisie et sa bonhomie lui attirent l’affection des Montpelliérains qui le croisent souvent avec ses cinq enfants, dont le dernier est né un an avant son arrivée à la mairie. Toute la famille réside au 7 boulevard de l’Observatoire (actuelle place Laissac). Le bourgeois qu’il est devenu mène une vie mondaine active mais ne rechigne pas à participer aux fêtes populaires. C’est lui qui décide en 1897 que la Ville se chargerait désormais de l’organisation du carnaval. Lors de la première édition, il n’hésite pas, à 63 ans, à participer sur l’Esplanade, à une bataille de fleurs. Quand les maires des grandes villes sont élus au suffrage universel à partir de 1884, ses listes triomphaient à chaque élection.
Un bref dernier mandat
Néanmoins, il se fait beaucoup d’ennemis politiques, notamment parmi ses partenaires de gauche. Aux élections municipales de 1892, malgré une victoire des partis de gauche qu’il mène, les dissensions internes l’écartent du pouvoir. Aux élections suivantes, en 1896, Laissac revient au premier plan et retrouve son fauteuil de maire. La grande affaire est la mise en place du tramway électrique. Un projet qui passionne les habitants. La première ligne (Comédie-Castelnau) est ouverte en décembre 1897. Mais à cette date, Alexandre Laissac a de nouveau perdu son fauteuil de maire, suite à l’invalidation des élections de l’année précédente. Il a dû céder la place à Michel Vernière le 28 mars 1897. Il ne cherchera pas à redevenir maire, même s’il siège au conseil municipal jusqu’en 1908. Il demeure toutefois une personnalité politique qui compte, présidant le Conseil général de l’Hérault dès 1895 et jusqu’à sa mort qui survient le 7 janvier 1913.
Le 11 juin 2022, Michaël Delafosse, maire de Montpellier, a inauguré dans les halles éponymes, le buste de l’ancien maire, en terre cuite, datant du début du XXe siècle et réalisé par le sculpteur Antonin Injalbert ainsi qu’une plaque rappelant l’action progressiste d'Alexandre Laissac.