Préparation et découpe du tissu, assemblage, marquage et broderie des logos, piquage et surpiquage, pose des clips, percement des œillets d’aération et autres finitions… Toute la chaîne de fabrication et les 13 salariés qui l’animent, sont rassemblés dans un atelier industriel de près de 1 000m2 situé au Marché Gare à Montpellier. Les machines sont neuves et modernes. Selon les modèles, entre 20 et 25 étapes sont nécessaires à la confection d’une casquette. « Un bon indice de la qualité du produit pour le consommateur, outre les finitions : la bande de propreté intérieure, qui doit absorber la transpiration, recouvrir les coutures et être confortable », conseille Marie, qui supervise la fabrication avec ses chefs d’équipe, Tan et Aline, également impliqués dans la mise en place de la ligne de production.
"Que de la casquette, mais toute la casquette !"
Si les pièces plastiques constituant les visières ne sont pas « made in France », et le sergé coton utilisé en provenance de Corée du Sud, les casquettes sont bien fabriquées à Montpellier. « Nous importons le tissu car nous ne pouvons pas faire autrement pour l’instant. Un tissu vraiment 100 % français, c’est 3 à 5 fois plus cher. Nous avons des contacts avec des fournisseurs français, mais nous sommes sur un modèle industriel, et non sur du luxe en petites quantités. Les coûts seraient trop importants et les fournisseurs ne pourraient pas suivre la cadence de production », explique Pierre, en charge de la partie commerciale. Ce dernier estime que les critères du label « Made in France » ne sont ni suffisants, ni assez clairs pour le consommateur. L’entreprise se positionne donc plutôt sur l’obtention du label « Origine France Garantie », plus pointilleux, et espère plus d'exigence sur les achats publics. « En Allemagne, la totalité des commandes publiques doit être satisfaite par des acteurs du territoire national. Il faut les imiter pour réussir une vraie réindustrialisation en France », clame Pierre.
L’Atelier de la casquette peut néanmoins proposer à ses clients du sur-mesure 100 % fabriqué en France . « Nous fabriquons uniquement à la demande. Nous n’avons pas de stock. Notre crédo, c’est de faire mieux en termes de qualité et d’empreinte environnementale. De produire moins, mais mieux et local », argumente Pierre. À l’heure actuelle, un tiers du chiffre d’affaires provient de l’unité de production montpelliéraine. L’entreprise travaille toujours avec ses partenaires au Vietnam et en Pologne, afin de répondre à la demande et de financer le processus de réindustrialisation en France.
Ramener toute la production asiatique à Montpellier sous cinq ans
« Notre objectif à l’horizon de cinq ans est de ramener tout ce qui est produit en Asie sur notre atelier de Montpellier. Mais, cela doit se faire étape par étape. C’est nécessaire pour financer un outil de production 100 % français. De plus, il faut tenir compte du fait que ce savoir-faire textile s’est quasiment perdu en France. Aujourd’hui, les compétences textiles industrielles, en particulier sur la casquette, viennent du Vietnam ou de Chine. Cela prend du temps de former de nouveaux spécialistes et de pérenniser une activité de production textile locale », insiste Marie. Les deux entrepreneurs ont pu bénéficier du soutien financier du réseau Entreprendre pour se lancer, puis de celui de la Région Occitanie pour le volet formation. Une spécialiste de l’IFTH (Institut Français du Textile et de l’Habillement) est venue à Montpellier pour former les couturiers de l’Atelier de la Casquette.
« Pour le recrutement, nous nous sommes appuyés sur Pôle Emploi, qui a effectué une recherche spécifique d’ouvriers textiles souhaitant se former à la fabrication de casquettes. Cela nous a permis d’entrer ensuite en relation avec l’association GAMMES 34, qui travaille sur l’insertion professionnelle de personnes en difficulté. Ces organismes nous ont fourni des profils « couturiers » assez variés. Ces contacts très fructueux nous ont permis de constituer une belle équipe », détaille la chef d'entreprise. Cette compétence venue de l’étranger pour participer à réindustrialiser en France s’incarne donc dans la composition de l’équipe. Si Aline et ses 25 ans d’expérience dans la couette et l’oreiller viennent d’Indre-et-Loire, l’autre chef d’atelier, Tan, est originaire du Vietnam. Parmi les couturier(e)s, certain(e)s sont originaires de la région ou d’ailleurs en France, d’autres viennent d’Iran, d’Afghanistan, du Maghreb ou du Vietnam. « L’émulation des expériences produit une bonne ambiance de travail et de bons résultats, même si la barrière de la langue demande parfois des efforts », sourit Marie.
Des objets promotionnels sur-mesure et des collaborations avec des marques
Toujours est-il que l’Atelier de la Casquette fait désormais partie des rares spécialistes hexagonaux à produire en France des quantités importantes. La majorité de la production concerne des produits de promotion pour les entreprises, des évènements ou les collectivités. Mais l’entreprise a aussi travaillé directement avec des marques, comme Tuffery ou 1083. Son activité progresse et elle va relever un nouveau challenge dans les mois à venir : le bob ! « Cette tendance revient et le processus de fabrication est assez proche, même si les techniques peuvent différer. Nous serons bientôt en mesure de produire des bobs « made in Montpellier », conclut l'entrepreneuse.
Pourquoi Montpellier ?
« Je suis Héraultaise et Pierre est Gardois. Au départ, nous étions installés dans le Gard, mais sur plusieurs sites. Cela compliquait la logistique et l’administratif. Nous souhaitions rassembler tout au même endroit, et avec un atelier assez grand en rez-de-chaussée, de manière à pouvoir continuer de grandir sur place. Un immeuble à étages ne convenait pas pour l’installation des machines, qui sont très lourdes et parfois volumineuses. Nous voulions également que l’atelier soit bien desservi et facilement accessible pour les employés. Nous avons trouvé notre bonheur à Montpellier. Ici, au Marché Gare de Montpellier Méditerranée Métropole, nous avons suffisamment d’espace, le bus est au bout de la rue et le tram à dix minutes à pied », résume Marie.
Tan et Phong ou la synergie franco-vietnamienne
Tan, natif de Nha Trang, était mécanicien spécialisé sur les machines de l’industrie textile au Vietnam. Il a participé à la mise en place de la ligne de production de l’atelier montpelliérain. Désormais, il y travaille, tout comme sa femme Phong, couturière. « Je connais Marie depuis longtemps. J’étais guide-interprète pour elle dans son activité antérieure d’import. Je m’occupais aussi du contrôle qualité avant expédition », explique-t-il dans un français parfait, mâtiné d’un délicieux accent québécois, héritage d’une longue expérience au Canada. Lorsque les deux entrepreneurs français décident de relocaliser la production en France, ils se tournent vers lui pour recruter un chef d’atelier spécialisé.
Après réflexion, le couple décide de se porter lui-même candidat : « Quand Marie m’a parlé de son projet de fabriquer des casquettes à Montpellier, j’ai trouvé ça très intéressant et très motivant. Redonner à la France un savoir-faire qu’elle a perdu, c’est un projet génial ! Il a fallu convaincre ma femme Phong, qui ne parle pas bien français. Mais le fait qu’elle soit couturière et que nous allions travailler ensemble dans ce domaine a facilité les choses. Nous avons suivi une formation supplémentaire de 10 mois en usine à Ho-Chi-Minh City avant de venir travailler pour l’Atelier de la Casquette en France ». Si leur arrivée a été repoussée de quelques mois en raison de tracasseries administratives, malgré le soutien énergique de leur employeur et une bonne maitrise de la langue, le couple est désormais un élément essentiel de l’équipe.