Le plus prestigieux hôtel du Midi de la France
Imaginez, du cinéma Gaumont aux terrasses de l’actuel Café Riche : de hautes grilles, un beau jardin circulaire planté de cèdres, une grande bâtisse ombragée. Et ce porche métallique, que les voyageurs franchissaient avec un frisson délicieux, assurés d’un accueil et d’un confort sans pareil dans tout le Midi de la France. Tel fut, jusqu’à sa destruction en 1897, le visage de l’hôtel Nevet. Pas de personnage officiel, de passage à Montpellier, qui ne songea à y réserver l’un de ses appartements magnifiques. Pas de réception brillante ailleurs que dans ses vastes salons ou sa salle à manger somptueuse. Si l’on retrouvait aujourd’hui le livre d’or de l’établissement, s’y trouveraient mêlées les signatures du gotha international, celle du pianiste Thalberg, rival de Liszt, de plusieurs généraux, du républicain Louis Blanc, d’élégantes anglaises et américaines venues soigner leur spleen et leurs bronches. Mais aussi toute une liste d’escrocs et d’aventuriers, indispensables compléments à la vie de tout établissement de renom.
Un soldat de Napoléon
C’est en 1847, que Jean-Baptiste Nevet, ancien soldat de l’armée napoléonienne, prit la direction de cet hôtel situé entre la Comédie et l’Esplanade, dans un périmètre que l’on appelait alors « l’île du Gouvernement ». Après avoir dirigé pendant dix-huit ans l’hôtel du Midi, le nouveau propriétaire s’attacha à transformer un ancien hôtel de voyageurs reconstruit au XVIIIe siècle en établissement doté de tout le confort exigé par les besoins de l’époque. Il y parvint si bien, en quatre décennies, qu’à sa mort, à 91 ans, plus d’un millier de personnes, issues de tous les partis et de toutes les classes de la société, vinrent saluer autant la prouesse que le cortège funéraire. Et personne, même pas les nouveaux propriétaires, ne songèrent par la suite à changer le nom de l’établissement.
Le dernier grand bal
L’incendie du théâtre, le 6 avril 1881 et le projet de reconstruction qui suivit immédiatement, annonça pour la Comédie une ère nouvelle de transformations. Le plan d’alignement, souhaité par la municipalité, tirait une grande ligne droite, de la rue des Étuves jusqu’au bout de l’Esplanade, condamnant du même coup plusieurs grandes bâtisses historiques, dont l’hôtel Nevet, ses grilles, ses jardins et l’ensemble des petites boutiques pittoresques qui s’étiraient en façade : marchandes de caroubes, d’amandes, de réglisse ou de berlingots. Ce fut par un dernier grand bal, un soir de février 1897, que s’acheva la carrière de l’établissement. Quelques jours avant les premiers coups de pioche, on fit démonter quatre grands panneaux de la salle à manger, peints par Jacques Gamelin. Et puis tout disparut. À la place, on construisit les bâtiments imposants qui demeurent encore aujourd’hui et qui accueillirent grands cafés et magasins modernes. La statue des Trois-Grâces fut déplacée à mi-chemin entre l’Opéra et l’Esplanade, et l’architecte municipal, M Krüger, dessina pour l’accueillir, une placette en forme d’œuf, qui devint le lieu de promenade préféré des Montpelliérains.