Le théâtre Jean Vilar a 30 ans de vie dans son quartier de la Mosson. Qu’est-ce que cela représente pour vous qui avez pris l’aventure en cours de route ?
Frantz Delplanque : D'une certaine façon, je connais tellement bien ce théâtre et son histoire que j'ai l'impression d'être dans une aventure de 30 ans. D'autant que je suis le second directeur et je connais très bien le premier. C’est sans doute une émotion personnelle partagée, avec la connaissance que j'ai de Luc Braemer, de son projet, de la manière dont il l'a monté en 1994, à l'époque sous Georges Frêche, avec le principe qu'on a gardé. Il s’agissait de dire que le théâtre de la ville serait situé dans ce grand quartier de la Mosson. Un quartier qu'on aime parce que c'est à la fois un quartier emblématique du XXIᵉ siècle et de ses problématiques. Mais c'est aussi un quartier qui est beau, jeune et en lisière de la nature. Pour moi, les 30 ans du théâtre Jean Vilar, c'est cette fête-là. Luc parlait d'un théâtre qui correspond à une réussite assez profonde puisqu'au départ, le pari est que le théâtre municipal sera dans un quartier périphérique et que les Montpelliérains vont répondre présents autour d’une programmation. Cela a marché quasiment d'emblée et cela continue toujours. On le fait avec une programmation exigeante et nous essayons de construire un projet commun autour de la curiosité, de l'altérité, de l'actualité.
On a parfois entendu des gens du quartier dire qu’ils ne se retrouvaient pas dans ce théâtre ou dans cette programmation alors même que Jean-Vilar a toujours été ouvert sur l’extérieur. Aujourd’hui, on a le sentiment que le théâtre est davantage enraciné.
Je pense qu'on a fait un gros effort pour qu'on ne puisse plus entendre cela, en sachant que je trouvais ce propos assez caricatural. Je trouvais même ces paroles assez injustes sur une partie du travail qui n’aurait pas été fait envers le quartier. Je crois au contraire que la volonté de toute l’équipe, hier comme aujourd’hui, est d'assumer pleinement cette inscription dans le quartier. Il y avait un service éducatif qui faisait que, déjà à l'époque, les enfants du quartier passaient par le théâtre Jean Vilar au moins une fois dans leur scolarité et même quasiment tous les ans. On a accentué ce travail en mettant en place de l'action culturelle, on a travaillé avec les habitants sur des créations partagées, la rencontre avec les artistes... On a beaucoup travaillé sur la participation des publics à nos projets. Nous avons ouvert la petite scène qui a permis d'être un espace gratuit, accessible, sans prérequis culturels. On a fait aussi beaucoup pour que la programmation parle à toutes et à tous. Il y a aussi une vraie victoire de Jean Vilar dans les statistiques de la billetterie. Elles montrent qu'il y a 30% des spectateurs sur la dernière saison qui viennent du 34 080. Le code postal ne ment pas. Je trouve très intéressant qu'il y ait tous ces spectateurs de la Mosson, Celleneuve, Petit Bard, des Cévennes ou Alco.
Comment le théâtre Jean Vilar, en tant qu’établissement culturel, vit la transformation urbaine qui est en cours à la Mosson ?
C’est assez génial de voir cette ambition. Il y a une politique de rénovation urbaine qui est assez exaltante. Et je pense que cet enthousiasme est vraiment très partagé sur le quartier. C'est-à-dire qu’aujourd'hui, avec la mission Mosson, toutes les présentations que j’ai vues, que ce soit le maire, ses équipes, que ce soit même leur présence dans les Halles de la Paillade une fois par semaine pour expliquer le projet. Tous les urbanistes aussi qu'on a pu voir, des spécialistes du paysage qu'on rencontre et qui deviennent nos interlocuteurs. C'est quand même quelque chose de complètement incroyable.
Le théâtre va parvenir à trouver sa place dans cette rénovation d’ampleur ?
Oui, nous sommes entendus et écoutés parce qu'on travaille dans des logiques transversales, des logiques de site. On participe à des réunions. Je ne sais pas si c'est sur ce mandat, si ce sera sur le futur, mais il y a effectivement une réflexion et une co-construction qui sont ouvertes et qui devraient changer la donne. Alors c'est sûr que le symbole de la destruction d'une tour comme celle d’Assas qui représentait peut-être le fait d'être logé dans de mauvaises conditions, c'est un symbole qui peut être positif. Mais ce que je vois surtout, c'est tout ce qu'on construit à côté et on le fait à une vitesse absolument phénoménale.
Évoquons maintenant « Les temps heureux », le titre de la journée anniversaire de ce samedi. Quel contrepied en cette période où la planète ne tourne pas rond !
Toute l'année, on parle de l'actualité parce que les artistes en parlent et on a voulu être un théâtre en prise avec l'actualité. On s’est dit que si on voulait intéresser les gens, ce n'était pas avec du divertissement. C'est en parlant, en échangeant avec eux, en partageant leurs problématiques du quotidien. On est un théâtre qui ne détourne pas le regard sur les problèmes, qui n'évite pas les sujets qui fâchent. Je crois que pour la plupart de nos spectateurs, le plaisir qu'ils prennent au théâtre Jean Vilar, c'est parfois celui d’entrechoquer des idées, le plaisir de se confronter à des sujets graves… Donc, nous ne sommes pas du tout un théâtre qui nous raconte que les temps sont heureux. Par contre, pour ces 30 ans, j'avais envie d'une fête. On fait ce qu'on appelle Les temps heureux parce que c'est un pas de côté qu'on fait et ça va être une fête de la fraternité dans des espaces verts formidables. Donc ce sera le temps heureux qu'on a partagé au théâtre Jean Vilar depuis 30 ans.
Sans dévoiler le contenu, si on devait citer une ou deux choses pour appâter les Montpelliérains et leur donner envie de venir samedi, que diriez-vous ?
Je pense qu'il faut qu'ils viennent de 11 h à 0 h, parce que tout est absolument bien ! Déjà, il y a deux repas avec les associations du quartier. On peut manger sur place, on peut aussi amener son pique-nique. Tous les spectacles sont gratuits et ça s'enchaîne. Il y a beaucoup de concerts. Si je voulais appâter les gens sur la seconde partie en soirée, je dirais qu'on on peut faire un couplet entre Bob et moi (à 20h) qui est une très belle pièce de théâtre sur Bob Marley et le concert de reggae qui suit (Gang Jah Mind, à 21h30). C’est un mélange de raï et de reggae par trois femmes d'origine algérienne qui viennent de Marseille. On peut aussi choisir le cinéma en plein air avec Le ballon d’or (à 20h). Un film de 1994, clin d'œil à l'année de création du théâtre Jean Vilar. C'est un film sur Salif Keita, pas le musicien mais son homonyme, un des premiers joueurs de football professionnels africains. C'est un film absolument fantastique. Je nous vois déjà assis dans l'herbe, en ayant ramené à soi, si possible, le coussin, le transat ou la nappe de pique-nique, et on va regarder ça tous ensemble.
>>> Plus d’infos : theatrejeanvilar.montpellier.fr