SÉRIE "LES SEIGNEURS DE MONTPELLIER" // ÉPISODE 3

Guilhem VII s'impose en Languedoc

03-08-25 - 06:30
Guerrier, diplomate et bâtisseur, Guilhem VII transforme Montpellier en bastion politique et carrefour du savoir. Entre croisades, conciles et commerce, il trace les contours d’une cité ouverte et influente.
armoiries Montpellier
La Vierge figure sur les armoiries de Montpellier depuis 1204 - © Archives de Montpellier
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Lorsque Guilhem VII accède à la seigneurie de Montpellier en 1147, il quitte à peine l’adolescence. Son père, l’ombrageux Guilhem VI, a choisi de renoncer au monde pour embrasser la vie monastique. Il s'est retiré à Grandselve, en Gascogne, où il meurt quinze ans plus tard. 

La croisade andalouse 

Très vite, Guilhem VII entend inscrire son nom dans la lignée guerrière de ses aïeux. Mais là où son père et son grand-père s’embarquaient vers l’Orient, lui dirige son zèle vers l’Andalousie. Aux côtés du roi de Castille, il mène une flotte pour libérer Alméria et s’illustre lors de la prise de Tortose, ville qu’il arrache aux mains des Sarrasins. Le jeune seigneur se fait remarquer durant les quelques mois de la croisade. Un chroniqueur relate que le jeune homme a livré un duel singulier avec un officier maure. Guilhem, lors du combat observé devant les deux armées, vient à bout de son adversaire, lui tranchant d’abord la main, puis la tête.

L’alliance aragonaise

Moitié catalan par sa mère, Sybille de Montaplana, Guilhem est proche d'Alphonse II, le comte de Barcelone, devenu roi d’Aragon. Il rejoint régulièrement la cour royale, à Huesca. Le Montpelliérain soutient sans relâche les ambitions languedociennes d'Alphonse, devenant ainsi l’adversaire tacite du comte de Toulouse Raimond V. Mais plutôt que d'entrer en conflit armé ouvert avec l'ambitieux Toulousain, le riche Guilhem VII préfère aider financièrement le roi d'Aragon à financer ses campagnes militaires. 

L’Église, un partenaire politique

Pragmatique et diplomate, Guilhem entretient aussi des rapports apaisés avec l’Église. Contrairement à son père, il n’hésite pas à prêter serment de fidélité à l’évêque de Maguelone, acte qu’il accomplit toutefois après la mort de son géniteur. Cette reconnaissance vassalique scelle durablement l’alliance entre le pouvoir spirituel et la seigneurie montpelliéraine. L’évêque, en retour, établit sa résidence à Montpellieret, dans la Salle l’Évêque, confirmant par sa présence l’ancrage de l’autorité ecclésiastique au cœur du territoire.

Un mariage princier

Au fil du règne, le seigneur de Montpellier consolide son autorité et gagne de nouveaux vassaux. Les seigneurs de Nébian, Clermont-l’Hérault et Mireval lui rendent hommage. En 1156, il épouse Mathilde de Bourgogne, fille du duc et princesse capétienne. Par cette union brillante, le petit seigneur languedocien peut désormais saluer le roi de France, Louis VII, comme « son cousin ». Il le reçoit deux fois à Montpellier, lors du pèlerinage du roi à  à Compostelle. Le pieux monarque avait vénéré  avec ferveur la relique de la Vraie Croix, rapportée par Guilhem VI. Toutefois, le Montpelliérain demeure vigilant et observe d’un œil prudent les tentatives de la couronne royale d’intervenir dans les affaires méridionales.

Le concile de Montpellier

C’est dans ce contexte que se joue l’un des épisodes les plus marquants de son règne. En 1162, le pape Alexandre III, chassé de Rome par une révolte, trouve refuge en France. Il débarque à Maguelone puis rejoint Montpellier, qui devient pour un temps le centre de la chrétienté. Le Souverain Pontife y tient un concile, réunissant archevêques et prélats venus de tout le royaume. Parmi les sentences figurent l'interdiction aux moines d’exercer la médecine au sein des monastères et l'appel aux princes à lutter contre l’hérésie cathare, dont les premières lueurs inquiètent Rome.

Sur un pied d'égalité 

La présence du pape ne fait que renforcer le prestige de la seigneurie. Les marchands de Montpellier sont désormais placés sous la protection directe du Saint-Siège, et leur seigneur ne peut être excommunié que par le souverain pontife lui-même. Protégé de Rome, Guilhem est désormais un acteur incontournable du jeu politique local, sur un pied d’égalité avec la puissante Ermengarde de Narbonne et Raimond Trencavel, le vicomte de Béziers et de Carcassonne. 

Une cité de savoirs

Sous son règne, Montpellier s'affirme comme un foyer d’échanges et de savoirs. La médecine y est enseignée depuis un siècle, nourrie des textes byzantins et arabes traduits par les lettrés juifs. Le droit romain y prend racine, impulsé par le juriste italien Placentin, arrivé vers 1170. Cité cosmopolite, la cité est un carrefour du commerce méditerranéen, notamment avec le Levant. Il n’est pas rare de croiser un Montpelliérain à Saint-Jean d'Acre, ou, inversement, des Orientaux installés sur les bords du Lez.

La Commune Clôture

C’est dans cette effervescence que Guilhem VII lance, en 1151, l’un de ses projets les plus ambitieux : la construction d’une nouvelle enceinte, quatre fois plus vaste que la précédente. La « Commune Clôture », achevée seulement en 1196, englobe les terres du seigneur et celles de l’évêque, unifiant dans la pierre les deux pouvoirs. Huit portes percées dans des murailles épaisses de deux mètres, surmontées de tours, relient la ville à la campagne environnante. De cet ensemble colossal, seules subsistent aujourd’hui la tour des Pins et la tour de la Babote.

Ecusson Montpellier
La Commune Cloture donne à Montpellier une silhouette unique. Vue du ciel, elle adopte la forme d’un écusson ou d’un cœur humain - © D.R.

Crépuscule d’un règne

La fin du règne est sombre. La flotte génoise, jalouse de la prospérité montpelliéraine, harcèle ses navires, les pille et les coule, en dépit des avertissements du pape. À Melgueil, Raimond V obtient gain de cause . Son fils épouse l’héritière,Ermessende, annexant ainsi ce comté stratégique que Guilhem n’a pu défendre.

Malade, sentant la mort le gagner,  Guilhem VII fait son testament le 29 septembre 1172 et meurt quelques jours après. Il a choisi d’être inhumé à Grandselve, près de son père. Sa dépouille est acheminée vers le monastère, conduite par son plus jeune fils, destiné dès la naissance à la vie monacale.   

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