La grande époque des "skating-rings"
Les voyageurs, de retour de Paris, ne parlaient que des merveilles du Palais de Glace de la rue Pergolèse. À la fin du XIXe siècle, grâce à la production industrielle du froid, il était désormais possible d’évoluer librement et en toute saison, sur une surface de glace artificielle de dix-huit centimètres d’épaisseur. Dans les loges, 10 000 bouillottes chaudes faisaient régner dans le bâtiment une température douce. Le soleil était remplacé par l’électricité. À Montpellier on s’impatientait. Les amateurs s’exaspéraient des rayons de soleil qui amenaient le dégel et faisaient décommander bien des fêtes. Faute de glace, on se rabattait sur le patin à roulettes, présenté pour la première fois à l’Exposition Universelle de 1867. Nîmes et Sète, ouvrirent dès 1890 leur « skating-ring ». On y patinait de neuf heures du matin à minuit, souvent en entrée libre, sur une piste en plancher. Pas un hôtel ou une fête, sans ses patineurs costumés, un orchestre complet.
Un projet monumental
Il fallut attendre 1893 pour qu’à Montpellier, enfin, un projet de patinoire, digne de ce nom, arrive sur le bureau de la commission des travaux publics. Prévue sur le champ de Mars, derrière le Cercle des Officiers et le Cercle des Étudiants (actuel Pavillon populaire), elle devait intégrer un ensemble monumental pouvant accueillir à la fois un hippodrome, une salle de spectacle, une galerie d’exposition, un espace pour banquets… Trois ans plus tard, le projet toujours en attente de validation, prévoyait en sous-sol une piste de skating sur vraie glace de 400 m2, mais aussi des arènes pour courses de taureaux, pouvant se transformer en salle de spectacle ou de cirque, un café restaurant… L’improbable projet, évidemment ne vit jamais le jour. Et l’on continua pour plusieurs années à chausser ses patins à roulettes pour aller évoluer sur les skating-rings populaires, cours Gambetta ou boulevard Victor Hugo.
Du divertissement à la discipline sportive
Objet de loisirs et de divertissement, le patinage parvint peu à peu à se structurer comme discipline sportive. Dans les années 30, le terrain des Arceaux, accueillit ainsi les évolutions des patineurs et des membres de l’équipe de hockey. Et dans la rubrique sportive des journaux de l’époque, on se mit à guetter avec autant d’attention que les résultats du célèbre S.O.M, ceux des « Amis du Patin à Roulettes ». Les demandes d’adhésion étaient reçues tous les mercredis, à 21h, au Bar Fernand, place Castellane. Et pour favoriser l’accès à la discipline, l’association prêtait les patins « à ceux dont les moyens ne permettent pas de faire un achat immédiat ».
La patinoire de "Lunaret"
Il faudra pourtant attendre un jour de novembre 1968, pour voir ouvrir au 669 avenue de Vert Bois, face au Zoo de Lunaret, la première piste de glace de Montpellier. Construite sur les plans des architectes Favard, Dubernet et Buisson, elle fonctionna près de 30 ans. Les portes battantes, ouvraient sur un hall d’accueil où trônait derrière une vitre, la photo du médaillé olympique de Grenoble, Patrick Pera. Des générations d’enfants, d’adolescents et d’adultes, vinrent à « Lunaret » faire leurs premiers pas sur la glace. Une grande baie vitrée panoramique, et le bar-crêperie mezzanine le Skating prolongeaient le bâtiment aux grandes poutres de bois et à la couverture de zinc, dont la forme hésitait entre la cabane canadienne et la soucoupe volante. Rare équipement à fonctionner jusqu’à la fin juillet, la patinoire de Montpellier accueillait régulièrement l’été de nombreux clubs de toute la France en recherche de glace. Certains n’hésitaient pas à faire l’aller-retour depuis Barcelone pour profiter de ses entraînements tous les dimanches.
De Végapolis aux championnats du monde 2022 à l'Aréna
Trente ans plus tard, en 1999, le coût des travaux nécessaires à la mise aux normes et à la sécurisation du bâtiment, fit pencher l’administration en faveur d’un nouveau site. Et tandis qu’avenue de Vert-Bois les grues commençaient leur travail de démontage, un autre édifice, situé au rond-point d’Odysseum s’apprêtait à tourner une nouvelle page de l’histoire du patinage. Philippe Chaix et Jean-Paul Morel, architectes associés, qui avaient déjà collaboré pour le Zénith de Montpellier, signèrent les nouveaux bâtiments de Végapolis, dont l’inauguration eut lieu le 16 décembre 2000. Le bâtiment de 10 000 m², composé de plusieurs espaces juxtaposés, piste olympique et piste ludique, permettait d’accueillir près de 1 200 spectateurs. Aujourd’hui gérée par la Société Vert-Marine pour le compte de la Métropole, Végapolis a accueilli du 21 au 27 mars 2022 les sessions d’entraînements des participants aux 111e championnats du monde de patinage artistique. Une compétition magnifique qui permit aux multi médaillés olympiques, les danseurs Papadakis-Cizeron, de clore leur carrière sportive avec une nouvelle médaille d’or. L'histoire continue.