ESPACE PUBLIC

Le parvis de la faculté des Sciences nommé Alexander Grothendieck

17-05-24 - 08:30
17-05-24 - 08:43
Le 15 mai, à la suite des travaux d'aménagement aux abords du Triolet, portés par la Ville et financés par la Métropole de Montpellier, le parvis rénové a été inauguré. Il prend le nom d'un des plus grands mathématiciens du XXe siècle qui a étudié puis enseigné dans cet établissement.
Dévoilement de la plaque
Après le dévoilement de la plaque, les enfants du centre de loisirs ont remis une partie de leurs travaux au maire - © C. Marson
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Alexander Grothendieck n’aimait pas les hommages et les prix. Il n’est pas allé chercher la médaille Fields, le Nobel des mathématiques, qui lui a été attribuée en 1966. Qu’aurait-il pensé de voir son nom sur le parvis de la faculté des Sciences de Montpellier, où il a étudié et enseigné ? Allez savoir. Mais, en ce 15 mai, tout le monde se félicitait de cette décision municipale, communauté universitaire y compris. Et ce d’autant que la place Eugène Bataillon voisine demeure. Il n’y aura donc pas de querelle entre biologie et mathématiques.

La coquille de noix

Qui de mieux que Cédric Villani, mathématicien et médaillé Fields lui aussi, pour définir la complexité du personnage Grothendieck ? Dire ce travailleur acharné, le fondateur visionnaire de l’écologie politique, le pourfendeur des institutions et l’écrivain inspirant sur la question des idées et des émotions. « Il était peut-être le plus grand mathématicien de la seconde moitié du XXe siècle. Ce qui est certain est qu’il a été, au sein de la communauté mathématique, le plus adulé. Il avait sa façon de simplifier, de généraliser, de rendre trivial tout ce qui était complexe. » Puis, il parle de lui pour évoquer son approche différente de celle de Jean-Pierre Serre (mathématicien d’origine catalane et toujours en vie). « Nous avons deux styles différents pour ouvrir une noix. Lui prend un marteau ajusté autant que possible et il casse la coquille de la façon la plus efficace et précise. Moi, je préfère plonger la coquille de noix dans un bain d’acide qui va la dissoudre peu à peu. À chaque instant, on regarde le bain et on a l’impression qu’il ne se passe rien. Mais, au bout du compte, la noix est ouverte sans qu’on ait eu l‘impression que rien ne se passe. L’idéal mathématique de Grothendieck, c’est un peu ça. Avancer étape par étape, chaque étape semble triviale. Mais, à la fin, le résultat est tombé comme un fruit mûr. »

Les savants fous

En préambule de l’inauguration, des enfants des centres de loisirs d’Aiguelongue, Oxford, Villon et du MUC ont joué, sur le parvis, aux ateliers « les savants fous » en travaillant sur écran à la création de robots. Car mathématique rime avec ludique. Michaël Delafosse, maire de Montpellier, a rappelé que 1,8 million d’euros a été investi par la Métropole sur le site du Triolet pour aménager ce parvis qui sera achevé par des plantations à l’automne, mais aussi rendre cyclable l’avenue Paul Parguel (celle de la rue du Truel est à venir) et faciliter les déplacements des personnes à mobilité réduite. « Nous devons être aux côtés de nos universités. Une ambiance d’hospitalité et de générosité de l’espace public doit être au rendez-vous car venir à Montpellier, c’est une rencontre de l’esprit mais aussi avec une ville. Nous croyons dans la science, elle doit être défendue. Dénommer, c’est honorer mais c’est aussi cultiver la curiosité. Nous le faisons ici en honorant un chercheur. Plus que jamais, la République a besoin de savants, d’ingénieurs, de doctorants et d‘étudiants. »

Renouer avec une tradition

Philippe Augé, président de l’université de Montpellier, s’est félicité des aménagements portés par la Ville sur le secteur universitaire nord et du fait que « l’on renoue avec une tradition, celle d’honorer les universitaires qui ont marqué le territoire avec des dénominations. Avec pour les plus récentes la place Jacques Mirouze ou l’espace Jean-Marc Mousseron. Aujourd’hui, nous honorons un ancien diplômé puis enseignant pour lequel nous avions déjà renommé IMAG (1) notre institut de mathématiques. C’était une personnalité aussi brillante que singulière. » Enfin, Jean-Michel Marin, doyen de la faculté des sciences, a détaillé la vie d’Alexander Grothendieck. « Ses travaux ont révolutionné la géométrie algébrique, la théorie des catégories et la topologie. Il a montré qu’en élargissant les points de vue, on peut transformer l’Everest en colline. Les troubles qui ont traversé l’Europe ont aussi traversé sa vie. Mais, finalement, le modèle français lui a permis de s’émanciper et son travail et ses connaissances lui ont permis d’atteindre dans sa discipline le top niveau mondial. »

  1.  : IMAG : institut montpelliérain Alexander Grothendieck. 
panneau du parvis
Dans le prolongement de la place Eugène Bataillon, le parvis se nomme désormais Alexander Grothendieck - © C. Marson