Lorsqu’en 1936 le nom d’Auguste Bosc figure parmi les candidats à la Légion d’honneur, le rapport remis au ministre de l’Éducation nationale insiste sur ses nombreux succès de compositeur et de chef d’orchestre. On y mentionne ses études au Conservatoire de Paris, sa carrière de violoniste, sa participation aux concerts Colonne et aux soirées privées de la Présidence de la République. Il est fait mention également de son activité d’éditeur de musique, de ses tournées de Paris à Leipzig, en passant par San Francisco. Et bien sûr, de ses créations pour les ballets ou le théâtre. Avec une mention spéciale pour les mélodies entraînantes qui ont fait le tour du monde, comme la valse Rose-Mousse ou la Marche des Petits Pierrots.
Le Bal Tabarin, rival du Moulin Rouge
Nulle part, pourtant, n’est fait mention de ses années de carrière à la tête du célèbre Bal Tabarin, temple des nuits parisiennes, qu’il ouvrit en 1903 en plein cœur de Montmartre et qui associait salle de spectacle et grand restaurant. Perpétuant la tradition du célèbre French-Cancan, l’établissement avait connu un succès fulgurant, s’imposant pendant plusieurs saisons en véritable rival de maisons prestigieuses comme l’Alhambra, le Casino de Paris ou le Moulin-Rouge. Têtes couronnées, étoiles de la scène et de l’écran, s’y croisaient au gré des bals et des galas de charité, dans un pétillant cocktail de chansons, de musiques légères, de numéros de clowns ou d’acrobates.
Une bourse de la Ville de Montpellier
Auguste Bosc était né en 1868 à Montpellier, dans le foyer modeste d’un coiffeur barbier installé rue de la Valfère. Très tôt, l’enfant fait preuve de dons musicaux remarquables. Lorsque le compositeur Ambroise Thomas, professeur au conservatoire de Paris et de passage dans notre ville, l’entend jouer du violon, il l’encourage vivement à venir étudier dans la capitale. Dans la famille du barbier, l’idée fait son chemin. Mais les études coûtent cher. On fait donc appel à la générosité de l’administration municipale qui, après examen de la commission des Beaux-Arts, lui attribue une bourse de 1 200 francs. Auguste, valise et violon sous le bras, part donc rejoindre les classes supérieures du Conservatoire où il est reçu à 15 ans. À peine installé, parallèlement à ses études, il court le cachet. Joue dans les stations thermales, le Cercle Militaire et puis, bien vite, à l’Élysée. Il entame également une carrière de compositeur qui va faire sa fortune et sa renommée. Le voilà donc lancé.
Quarante ans après : une dette honorée
Jamais pourtant - malgré les succès, ses maisons et château, la fréquentation des élites - il n’oubliera sa ville natale et la dette qu’il a contractée. Un jour de 1915, alors qu’il parcourt avec son père les belles allées de l’Esplanade, il s’étonne qu’une ville si artistique n’ait pas son kiosque à musique. « An pas lou sòu », lui répond le barbier. « J’avais trouvé le cadeau de ma restitution », expliquera le musicien en juin 1926, alors que Montpellier s’apprête à inaugurer l’édifice de plein air construit en fer et béton armé par l’architecte Élie-Marcel Bernard. Pour tenir sa promesse, Auguste Bosc a envoyé un chèque de 250 000 francs à la municipalité. Trente mille personnes se pressent le jour de l’inauguration, le 2 mai 1927, autour du maire Albert Billod, pour saluer cet acte de générosité « et qu’à quelques quarante ans de distance vous vous souveniez de l’aide que vous a jadis donné votre ville natale et que vous lui en conserviez une reconnaissance toujours présente et pour mieux dire impérissable ».
Un dernier French-Cancan
Avec le sentiment du devoir accompli, Auguste Bosc s’éteint paisiblement à Montpellier, le 6 octobre 1945. Décoré de la Légion d’honneur il s’était marié quelques années plus tôt, à 71 ans. Le journal France-Soir annonce la nouvelle : « L’auteur de Rose-Mousse vient de mourir ». Et le soir même, au Bal Tabarin, c’est sur les dernières mesures de La Marche des Petits Pierrots que les danseuses du French-Cancan, comme en forme d’hommage, terminent leur quadrille.
EXPOSITION CHANTIER – RESTAURER LE KIOSQUE BOSC
Dans le cadre des travaux d’aménagement de l’Esplanade Charles-de-Gaulle, la Ville de Montpellier a lancé un programme de valorisation et restauration du patrimoine. Le Kiosque Bosc, labellisé « Architecture Contemporaine Remarquable » est en cours de restauration dans l’esprit de sa conception d’origine, telle que voulue par Auguste Bosc, et l’architecte Élie-Marcel Bernard. Après les travaux de structure, sa fontaine d’angle sera remise en eau, l’éclairage rétabli et les talus plantés seront recomposés. Loges et locaux techniques aménagés en sous-sol seront également remis en usage. Pendant toute la durée des travaux, des panneaux d’exposition chantier racontent l’histoire de cette scène emblématique de Montpellier. Montant des travaux : 998 976 euros. Livraison : été 2025.