80 ANS DE LA LIBÉRATION DE MONTPELLIER

Les républicains espagnols ne doivent pas être oubliés

05-02-25 - 06:30
Ancienne élue municipale, investie dans une association qui veille à préserver leur mémoire, Lina Angles rappelle le rôle des Guérilleros qui ont largement pris leur part à la libération de nombreuses villes du Sud de la France. Demain soir, à l'initiative d'une autre association espagnole, une conférence publique est organisée à Montpellier. Elle mettra en exergue le parcours d'anciens combattants ibériques.
Évocation des républicains espagnols par Lina Angles
Le 31 août dernier, Lina Angles a pris la parole lors des 80 ans de la libération de Montpellier pour rappeler le rôle éminent des républicains espagnols - © L. Séverac
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Fille de républicains espagnols, ancienne élue à Montpellier (2001-2008), Lina Angles est la vice-présidente de l’Association pour le souvenir de l’exil républicain espagnol en France (Aseref). Dans le cadre des 80 ans de la libération de Montpellier, elle revient sur le rôle des combattants guérilleros. Une conférence (Résister en exil) a lieu ce jeudi 6 février à l’initiative de l’association Voix de l’extrême poésie et culture, avec le soutien de la Ville de Montpellier. Entretien.

Lors des cérémonies des 80 ans de la libération de Montpellier le 31 août dernier, vous avez pris la parole devant la stèle de l’avenue de Lodève pour rappeler avec force le rôle des républicains espagnols. 

Mon intervention était issue d’un texte travaillé avec notre président Eloi Martinez. Chaque année, lors des cérémonies de la libération de Montpellier, nous tenons à expliquer quel a été le rôle des républicains espagnols. Parce que ces hommes et femmes, qui avaient été obligés de s’exiler pour échapper à Franco, ont choisi pour beaucoup d’entre eux de rejoindre la Résistance et les Forces Françaises Libres. Ils savaient déjà ce qu’était le fascisme car ils l’avaient connu depuis trois ans en Espagne. Quand ils ont passé la frontière, ils savaient très bien ce qui allait se passer en France. L’Espagne n’était qu’un avant-goût. Et donc les Espagnols ont voulu rejoindre et aider la Résistance en se disant qu’on les aiderait ensuite à retourner chez eux. La plupart étaient dans l’idée de revenir en Espagne. Mon père (Juan Puig Planas, républicain communiste et catalan) disait qu’il avait toujours sa valise prête. 

Comment expliquez-vous que le rôle de ces guérilleros soit souvent minoré alors que les témoignages de leur courage et de leur héroïsme sont assez nombreux ?

Ils ont été volontairement oubliés. La guerre finie, une page a été tournée et je crois que l’on a un peu enterré leur histoire. D’ailleurs, quand ils ont demandé d’avoir le statut de combattant volontaire de la Résistance, beaucoup de républicains espagnols ne l’ont pas eu ou ont attendu très longtemps. Mon père, par exemple, ne l’a eu qu’en 2022 et il était déjà mort. Ange Alvarez (1) m’avait aidé à faire les papiers car il le connaissait bien. Comme je l’ai dit publiquement cet été, hormis les associations mémorielles de descendants de l’exil républicain espagnol, cette histoire est occultée année après année. C’est pour cela que, dès que possible, il faut en parler. Il y a aussi des informations qui sont révélées tardivement. Regardez les hommes de la Nueve (les républicains espagnols de la 9e compagnie étaient rattachés à la 2e DB du général Leclerc). Ils ont été les premiers soldats alliés à rentrer dans Paris. Cela a été longtemps oublié avant qu’on les mette à l’honneur.    

Sur l’espace public, peu de noms à consonance espagnole sont associés à l’histoire de la Résistance. Peut-on encore changer les choses ?

C’est une injustice car ne serait-ce que dans notre région, les républicains espagnols ont été de tous les combats et ont participé à la libération de villes comme Toulouse, Foix, Montpellier ou Nîmes… Les guérilleros méritent aujourd’hui que la France reconnaisse véritablement leur rôle dans la libération du pays. À l’école, ce sont des choses que l’on n’apprend pas ou trop peu. Et puis dans les familles espagnoles, certaines ont raconté tout cela mais d’autres ont caché leur histoire. C’est pour ça que l’on a créé des associations, pour que cette mémoire ne se perde pas. 

(1) : Ange Alvarez (1926-2022) était un résistant FTPF et guérillero espagnol, militant politique et responsable associatif. Il était à Montpellier de l'été à décembre 1943, moment de son arrestation. Évadé du "Train fantôme", il rejoint les maquis de l'Hérault et participe aux combats de la Libération. 

Photo noir et blanc de l'entrée à Montpellier de De Lattre de Tassigny
Le 2 septembre 1944, le maréchal De Lattre de Tassigny entre à Montpellier. Derrière lui, Juan Puig Planas porte le drapeau de la 11e brigade des Guérilleros - © DR

Conférence « Résister en exil » 

Présidée par Manuela Parra, l’association Voix de l’extrême Poésie et Culture, initiatrice des Rencontres Franco-espagnoles, propose une conférence autour de l’implication des Espagnols dans la Résistance à Montpellier et dans l’Hérault, à travers l’itinéraire de trois Résistants, jeudi 6 février à 18h30 à la salle Pétrarque. Il sera question des parcours de Juan et Filomena Delicado, d’Ange Alvarez et de leurs camarades espagnols oubliés durant la Seconde Guerre mondiale. 

Les interventions et récits autour de la résistance à Montpellier seront assurés par Ivan Delicado, fils de Juan Delicado et Filomena Delicado, Roland Delicado, fils d’Ivan, qui participe aux recherches et à la rédaction d'articles sur la vie de ses grands-parents et d’Ange Alvarez, fils de Ange Alvarez. À travers leurs témoignages et des documents d’archives, ils feront émerger la figure de Juan Delicado, guérillero espagnol à la tête du groupe FTP MOI de Montpellier et de Résistants et Résistantes français et espagnols issus des différents mouvements de la Résistance. Des lectures d'extraits des livres écrits par Ivan Delicado seront proposées par Alexandre Pratlong, comédien. 

Entrée libre dans la limite des places disponibles.