Le cimetière métropolitain de Montpellier, un dialogue entre le ciel et la terre

23-03-25 - 06:30
Inauguré fin janvier, le cimetière métropolitain de Montpellier, imaginé par Jean Planès, architecte et paysagiste de l’agence Traverses, a été conçu comme un parc paysager méditerranéen, un lieu de promenade et de recueillement. Ce site remarquable de 13,5 hectares, réalisé pour toutes les confessions et les 31 communes du territoire, a déjà été récompensé à plusieurs reprises. Interview de son concepteur.
Jean Planès, architecte
©C. Marson
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U2, les Rolling Stones, les Pink Floyd, Bob Dylan, les Sheriff, les Daft Punk, Genesis... Des générations de spectateurs ont vibré sur cet espace mythique de concerts de musique en plein air, où résonnaient le battement des percussions des groupes légendaires de la pop, du rock jusqu’au hard rock, laissant des souvenirs impérissables d’émotions, de vibrations et de sensations à des centaines de Montpelliérains. 

À présent, contraste saisissant... Sur cette immense scène naturelle, les danses et enchaînements rythmés des vivants en fête ont laissé place au silence. Le vaste espace rock de Grammont est devenu un cimetière métropolitain, qui offrira une dernière demeure aux défunts dans ce lieu chargé d’histoire musicale... 

Répondre aux besoins et aux enjeux démographiques de la métropole 

Un aménagement d’envergure voulu et financé par la Métropole de Montpellier pour répondre aux besoins et aux enjeux démographiques. Jean Planès, architecte et paysagiste de l’agence Traverses a conçu, avec toute sa sensibilité, ce cimetière comme un parc paysager méditerranéen où l’émotion est tout aussi présente ; un pôle funéraire d’une ampleur remarquable truffé d’îlots, de nouvelles perspectives paysagères, de symboles et de subtilités architecturales. Et de par la qualité exceptionnelle de ce patrimoine architectural, le cimetière métropolitain, pourrait tout à fait être mis en lumière lors des journées européennes du patrimoine...

 

"Un cimetière pour toutes les confessions"

En quoi ce cimetière métropolitain de Montpellier est-il exemplaire ?

Jean Planès : C’est son caractère métropolitain, démarche nécessaire en ces temps de réchauffement climatique et de problématique de territoire qui le rend exemplaire. Extension du cimetière municipal Saint-Étienne, il permet de mutualiser les moyens et les infrastructures d’accueil - l’ossuaire, les lieux de recueillement, les jardins du souvenir, les columbariums - pour la population des 31 communes de la Métropole et de conserver une proximité pour les habitants ; Comme si nous avions réalisé 31 cimetières en un. Il est également exemplaire parce que c’est un cimetière pour toutes les confessions ; les anciens cimetières n’ont pas été à l’origine conçus pour accueillir différents modes d’inhumations. Là, le cimetière métropolitain offre à toutes les religions les mêmes conditions d’inhumation, dans le respect des rites de chacun. Il ne suffit pas d’offrir un emplacement, il faut qu’il soit compatible avec la confession. Le cimetière métropolitain constitue avec le crématorium, un pôle funéraire d’une ampleur remarquable pour la métropole. En ceci, il est un projet exemplaire ; en France, il existe peu de cimetières paysagers avec des infrastructures de cette taille.

 

"Un lieu de promenade"

Vous avez conçu ce cimetière comme un parc public ?

Jean Planès : Notre idée est de sortir de cette représentation traditionnelle des "cimetières parkings", avec des alignements géométriques très ordonnés, dénués d’âme. Entre le Pic Saint-Loup, le bois de la Chaumière et les coteaux vallonnés, le paysage a façonné notre projet. C’était un terrain nu, avec des qualités extérieures au site proprement dit, que nous avons intégrées à notre projet. Nous avons conçu un cimetière comme un parc public, un endroit où l’on peut se promener, déambuler sans se sentir comme dans un cimetière traditionnel et être plus à l’aise avec la nature et le parcours en des moments douloureux. Nous l’avons jalonné de repères, de parcours, de vues, favorisant intimité et sérénité, avec des carrés d’inhumation réunis en îlots reliés par des allées bordées de plantations, évitant ainsi de longs alignements monotones. Par endroits, nous avons réalisé des percées à hauteur d’œil pour que les enfants puissent eux aussi saisir certaines nuances du paysage proche et lointain. C’est un lieu lumineux qui favorise une prise de conscience du temps qui s’écoule par une matérialisation du cycle des saisons, via le choix des plantations. Ce cimetière paysager de 13,5 ha, propice au recueillement, est aussi un lieu de promenade, pas du tout angoissant, entre le bruit des oiseaux dans les arbres séculaires adossés et l’odeur des bois ; nous avons fait entrer le vivant notamment la biodiversité, dans le domaine des morts. Quand une personne me dit qu’elle y a ressenti de l'apaisement et des émotions inattendues, notamment lors des visites que j’effectue, c’est vraiment pour nous un beau compliment.

 

"Une communion entre le paysage et l’architecture"

Votre parti pris architectural s’inspire de références symboliques ?

Jean Planès : Nous avons beaucoup réfléchi à la charge symbolique qui accompagne les cimetières. On ne peut pas aborder un tel projet sans avoir aussi une approche spirituelle ; nous avons choisi une référence universelle : le rapport entre le ciel et la terre qui façonne un nouveau paysage. Une citation du paysagiste Michel Corajoud : "le paysage, c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent", a guidé notre proposition. En effet, le cimetière métropolitain est un dialogue entre le ciel et la terre qui accompagne « le retour à la terre ». Nos choix architecturaux et paysagers viennent cristalliser une communion entre le paysage et l’architecture. C’est la nature, ses plis et ses replis qui fournissent les matériaux du projet, on les souligne, on les dévoile par la mise en place de parcours paysagers, de travellings, de cadrages. Ce sont les infrastructures (murs, passerelles, ouvrages hydrauliques), les micro paysages, les lieux d’inhumations et de recueillement qui fabriquent un grand parc humain et donnent une âme au cimetière. Toutes ces subtilités architecturales et paysagères viennent illustrer les liens allégoriques des morts avec le cosmos, la nature, la lumière et le vivant. Et il y a un rapport très kinesthésique au lieu lié à la matérialité des bâtiments, à leur épaisseur et à la topographie. Ainsi, la massive conciergerie à l’entrée symbolise le poids de la mort et sa couleur celle de la terre. Et, par l’escalier, on chemine peu à peu en direction de l’au-delà, vers la voûte céleste.

Cimetière métropolitain
©Mary Gaudin
Cimetière métropolitain
©Mary Gaudin
Cimetière métropolitain
©Mary Gaudin
Cimetière métropolitain
©Bertrand Multier
Cimetière métropolitain
©C. Marson
cimetière métropolitain
©Claude Cruells
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- ©Mary Gaudin
Cimetière métropolitain
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Cimetière métropolitain
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Cimetière métropolitain
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cimetière métropolitain
- ©Claude Cruells

Prix obtenus pour le cimetière métropolitain

  • Projet lauréat des Victoires du paysage (or) 2024 dans la catégorie Espaces Publics.
  • Projet lauréat du Trophée béton pro 2024 dans la catégorie Équipements. 
  • Projet nommé à l'Équerre d'argent 2022 dans la catégorie Espaces publics et paysagers.
  • Projet nommé au Prix de l’architecture Occitanie 2023.
  • Projet nommé au Prix d’architecture 10+1 par la revue D’a, en 2023.
  • Projet nommé par le site ArchDaily aux « Building of the Year Awards 2023 ».
  • Mention coup de cœur aux Trophées des Epl 2023, dans la catégorie « Services au public ».

 

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