Un amour indéfectible pour les mots
« Toute petite déjà, je visualisais les mots ; ils chantaient dans ma tête et je les faisais danser. À chaque mot, j’imprimais une couleur, un mouvement. C’est curieux, j’ai toujours aimé les mots, j’adorais lire et apprendre de la poésie ; j’ai appris à lire dès l’âge de 4 ans et demi, j’avais très vite le désir d’accéder aux mots et d’en restituer le sens. J’ai commencé à écrire mes premières poésies à l’âge de 8 ans. J’aime la langue française et les langues », confie Evene Quils, montpelliéraine depuis trois ans. Elle vient de publier son premier recueil de poésies, La Blanche et le Communard, aux éditions Le Lys Bleu. L'ouvrage est illustré par Lauriane Sémat. Les beaux textes ont une grande place dans sa vie. « Je suis une ancienne enseignante ; j’ai étudié les lettres et les langues à l’université. Ensuite, j’ai enseigné le français et l’allemand dans un collège en région parisienne, puis je suis devenue professeur des écoles. C’était passionnant de suivre les élèves tout au long de leur scolarité. Enfin, j’ai exercé les fonctions de directrice d’une importante école maternelle pendant 15 ans, jusqu’à ma retraite en 2015. »
À celles qui, confrontées à la douleur ordinaire, incarnent la féminité triomphante
Son recueil La blanche et le Communard, Evene Quils le couve, le crée, l’élabore depuis de nombreuses années. Écrit au fil du temps, il est articulé en quatre parties : l’Épousée, Ombre pour ombre, Rouge et la Chauve-souris. Il retrace l’odyssée sentimentale d’une jeune mariée en quête d’un idéal impossible, confrontée aux tourments et aux défis qu’elle s’efforce de contourner malgré la fragilité et les doutes qui l’assaillent. Construit à la manière d’un conte, ce récit invite à une réflexion profonde sur la complexité des liens amoureux. Les multiples facettes du personnage central, dans tous ses états amoureux, sont illustrées à travers les portraits qui l’accompagnent. Evene Quils élabore ce recueil en mêlant l’intime à l’universel, rendant ainsi hommage à toutes celles qui, confrontées à la douleur ordinaire et remplies d’une énergie combative, incarnent la féminité triomphante.
Et si l’élégante et magnifique Evene Quils, à la crinière de lionne, 42 ans de mariage, s’est inspirée de sa vie personnelle et maritale, son opus n’est pas forcément un recueil autobiographique. Plutôt un message universel où les mots dansent, jouent librement et interpellent le lecteur, entre surprises agréables et petites stupéfactions au détour de piques bien aiguisées - voire des dards -, pourtant enrobées et présentées dans un gant de velours. « Quand on écrit de la poésie, on accède à la liberté, celle de défaire les mots de leur carcan, de leur sens et en leur attribuant plein de qualités », précise Evene Quils, qui partage avec son mari, la passion des arts, des belles lettres, de la belle musique, de la belle peinture et des belles choses. « J’associe aux mots, des couleurs et des musiques comme si j’avais une portée de notes devant moi, sauf que pour moi, ce ne sont pas des notes, ce sont des mots... J’éprouve une émotion immense d’avoir publié mon recueil de poésie, comme avoir mis un enfant au monde, sans souffrance mais dans la jubilation. Et il y a une forme de libération, comme un accouchement. »
Le couple est un jardin qui se cultive chaque jour
Le sujet central de ce recueil est le couple, mais surtout la place de la femme au sein du couple, entité presque mystérieuse : « Malgré l’amour, il faut du temps pour se comprendre, se connaître. Un couple demande du temps pour se construire. Je suis féministe, je ne déclare pas la guerre aux hommes, mais je tiens à la place que garde la femme dans le couple. Une place d’autorité. On est deux, on est complémentaires, et la femme ne doit pas être soumise. Il n’en est pas question » , affirme Evene Quils, dont le mari adore le recueil. « Le couple est comme un jardin qui se cultive chaque jour. Dans ce recueil, l’épousée ne comprend pas trop ce qui lui arrive... Elle attend que la réalité corresponde à ce qu’elle avait imaginé : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… Mais, elle s’aperçoit que le mariage n’est pas un conte de fée. Écrire de la poésie, c’est s’abstraire du monde visible… »
Si les femmes ont de nombreux droits à conquérir, le premier espace où il faut faire valoir ses droits, imposer l’égalité, prendre sa place, avoir de l’autorité, c’est le couple. Et ce n’est pas une mince affaire, c’est tout un chemin. Le recueil se termine par une note positive. Au-delà des ronces, dernier poème du recueil, Evene Quils le dédie à son époux. Et dans sa préface Denise Aron-Schröpfer, comédienne et metteur en scène, écrit : "Ce recueil est pour moi une sorte d’Odyssée dont Evene serait la Pénélope, revenue du néant du souffrir vers un jour nouveau à recréer. Rouge d'avoir trop aimé dans des tremblements telluriques, elle apparait finalement en robe du soir, entre la radieuse et la ravie, et une porte s'ouvre sur un chant d'amour recomposé ».
La Blanche et le communard, à déguster et à savourer sans modération à la terrasse d'un café de Paris, de Montpellier ou d’ailleurs... Sur commande dans les bonnes librairies.
Femme araignée
J'ai tissé sans relâche
notre mémoire et,
de mon ouvrage,
tu ne retiens que les trous
et me reproche
la poussière.
La chauve-souris
Comme elle,
je vole bas,
je racle
du bout des ailes
quelques restes obscurs.
Comme elle,
je vois se dessiner
l'envers de ma vie.