France - Allemagne : après la guerre, les fruits de la paix à Montpellier

11-11-25 - 14:00
11-11-25 - 19:22
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La Grande Guerre ne fut pas la Der des Ders. 20 ans après l’armistice de 1918, la folie nazie conduisait Allemands et Français à s’entretuer une fois encore. Aujourd’hui, la haine est éteinte. La réconciliation, entamée dès les années 1950, a entraîné une paix durable des deux côtés du Rhin. À Montpellier, elle s'est épanouie au point d'en devenir exemplaire.
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L’artiste allemand Sweet Uno devant la fresque qu’il a réalisée sur le gymnase Jean Bouin, dans le quartier de La Mosson à Montpellier en 2018 - © Frédéric Damerdji
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 « Une guerre entre nous est à tout jamais impensable », constate Eckart Würzner, maire de Heidelberg, la ville jumelle allemande de Montpellier. « Le jumelage a été signé en 1961, l’année de ma naissance », remarque-t-il en souriant. Les 64 dernières années ont été riches d’échanges variés entre les deux villes-sœurs. Aux cérémonies protocolaires, universitaires ou sportives des débuts, se sont ajoutées des relations suivies entre les écoles des deux villes, entre les établissements de santé et les associations de quartier. Montpelliérains et Heidelbergeois se sont emparés du jumelage pour tisser des liens solides qui survivent aux changements d’équipes municipales. Ce partenariat exemplaire a été récompensé en 1993 par le Prix Adenauer-De Gaulle. 

Reinhold Zundel et François Delmas
Les maires Reinhold Zundel et François Delmas, à Montpellier en octobre 1976 - © Archives de Montpellier
Beate Weber et Georges Frêche
Présidence commune extraordinaire du conseil municipal de Montpellier par Georges Frêche et Beate Weber le 21 mai 1991 - © Hugues Rubio
Helene Mandroux
La joie des retrouvailles d'Eckart Würzner et Hélène Mandroux en 2011 pour célébrer les 50 ans du jumelage - © Hugues Rubio
maire de Heidelberg
Les maires de Heidelberg sont élus pour un mandat de huit ans, au suffrage universel direct - © Tobias Dittmer
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Reinhold Zundel et François Delmas
Les maires Reinhold Zundel et François Delmas, à Montpellier en octobre 1976 - © Archives de Montpellier
Beate Weber et Georges Frêche
Présidence commune extraordinaire du conseil municipal de Montpellier par Georges Frêche et Beate Weber le 21 mai 1991 - © Hugues Rubio
Helene Mandroux
La joie des retrouvailles d'Eckart Würzner et Hélène Mandroux en 2011 pour célébrer les 50 ans du jumelage - © Hugues Rubio
maire de Heidelberg
Les maires de Heidelberg sont élus pour un mandat de huit ans, au suffrage universel direct - © Tobias Dittmer

Les défis du marché 

Au-delà des rencontres festives, l’Allemagne, premier partenaire commercial de la France, intéresse le monde des affaires montpelliérain. Si le secteur viticole est très actif dans les échanges, d’autres marchés sont à conquérir. « C’est un moment propice pour aller en Allemagne, car ce pays redécouvre l’Europe, en raison de l’essoufflement de la globalisation heureuse », explique Jean-Pierre Feuillet, coprésident du Réseau d’Affaires Franco-Allemand (RAFAL), aux chefs d’entreprise désireux de se frotter aux échanges franco-allemands. « Les secteurs susceptibles de se développer concernent l’alimentation, les loisirs et le bien-être. Les Allemands apprécient particulièrement les applications de santé connectées ».

Grégoire Mercier, cofondateur de KanopyMed, a bien l’intention de saisir cette opportunité. Accompagnée par le BIC, sa société est une spin-off du CHU de Montpellier. Elle conçoit des outils d'aide à la décision en santé à l'aide de l’IA. Bénéficiant en 2022 du programme d'échange et d’accompagnement des entreprises, piloté par les deux villes jumelles, le jeune entrepreneur s’est rendu à Heidelberg pour prospecter de potentiels partenaires industriels et des clients. « Notre société ayant depuis le début une ambition européenne, il est crucial pour nous d’aborder le marché allemand ».

Grégoire Mercier
Grégoire Mercier a co-fondé KanopyMed en 2018 - © DR
Montpellier Haus
À Heidelberg, la Montpellier-Haus est le lieu de contact entre les deux villes jumelles - © Tobias Dittmer
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Grégoire Mercier
Grégoire Mercier a co-fondé KanopyMed en 2018 - © DR
Montpellier Haus
À Heidelberg, la Montpellier-Haus est le lieu de contact entre les deux villes jumelles - © Tobias Dittmer

Un objectif commun

En visite officielle à Montpellier en 2023, Eckart Würzner est venu entouré d’une délégation de chefs d’entreprise de Heidelberg, déterminés à nouer des liens avec leurs homologues montpelliérains pour un objectif commun : unir leurs forces pour partir à la conquête des marchés internationaux tout en réduisant les risques.

Cette initiative, appuyée par son homologue montpelliérain, s’inscrit dans un contexte économique précis. L'Allemagne est à présent le principal investisseur étranger en Occitanie, détrônant ainsi les États-Unis. Une centaine d’entreprises ont 100 % de capitaux allemands et emploient 20 000 personnes. 

Le choix de Montpellier

Cykero a choisi de s’ancrer dans la métropole montpelliéraine. Spécialisée dans le reconditionnement électronique, cette entreprise berlinoise a installé cette année son siège social français au MIBI (Montpellier International Business Incubator). Elle y lance parallèlement la construction d’un technocentre dédié au reconditionnement automatisé et robotisé d’appareils électroniques, smartphones, tablettes, ordinateurs ou serveurs. Attendu pour 2027, ce site, implanté au cœur du quartier Eurêka à Castelnau-le-Lez, devrait générer 160 emplois, dont 20 consacrés à la R&D.

L’entreprise a déjà ouvert le 7 novembre, un Pop-up Store, 10 place de la Comédie. « Ce lieu est bien plus qu’un point de vente, il est une vitrine de notre engagement pour la qualité, l’innovation et la durabilité. Nous souhaitons tisser des liens solides avec l’écosystème local, que ce soit avec les entreprises, institutions ou start-up de la région », a tenu à réaffirmer Bichoï Metias, le fondateur de Cykero, lors de l’inauguration de cette boutique éphémère qui fermera ses portes le 31 décembre.  

 Bichoï Metias le fondateur de Cykero
Bichoï Metias le fondateur de Cykero, à gauche, échange avec les premiers clients du Pop-up Store - © C. Marson

 Les artisans de la réconciliation

« Ô faites que jamais ne revienne / Le temps du sang et de la haine. » Cet appel de la chanteuse Barbara écrit à Göttingen, 20 ans après la Libération, est devenue l’hymne de la réconciliation franco-allemande. Il est au cœur d’une aventure artistique imprévue, menée par l’association montpelliéraine Allemagne Occitanie et son président Richard Jarry : « Nous souhaitions un thème musical pour accompagner les Quinzaines franco-allemandes que nous organisons en Occitanie et en Allemagne avec la Région et la Fondation La Dépêche du Midi. J’avais demandé à Valérie Sajdik d’y réfléchir. De fil en aiguille, le projet s’est transformé en un album de 11 standards, dont Göttingen, qu’elle interprète en français et en allemand. C’est une pierre supplémentaire que nous portons dans l’édifice de la réconciliation franco-allemande », se réjouit Richard Jarry, dont les deux grands-pères sont morts durant la Grande Guerre. La prochaine édition de la Quinzaine franco-allemande aura lieu du 2 au 16 avril 2026 et sera lancée à Montpellier.  

Une dizaine de milliers de ressortissants allemands vivent actuellement sur le territoire montpelliérain, selon le Consul honoraire d’Allemagne, Roland Ickowicz. « Ce sont des retraités mais aussi des travailleurs expatriés ou des conjoint(e)s. La communauté germanophone est très active et se retrouve notamment à la Maison de Heidelberg, qui est un point de repère très important. »

Le pianiste germano-israélien, Ido Ramot
150 événements sont organisés dans toute la région Occitanie chaque Quinzaine franco-allemande. Ici, le jeune prodige germano-israélien, Ido Ramot, au Domaine d'Ô - © DR

Connaître nos histoires

Pour interpréter les onze titres de reprises (Nougaro, Brassens, Kurt Weill, Trenet, Barbara…), Valérie Sajdik s’est entourée du pianiste et arrangeur de jazz Cédric Chauveau et d’une section rythmique avec contrebasse et batterie. « Je suis autrichienne et j'ai des origines allemandes par ma mère », précise la lauréate de deux Amadeus Awards, les équivalents autrichiens des Victoires de la musique. « Je me sens, bien évidemment, concernée par la paix entre la France et l’Allemagne. C’est la base de la construction européenne. Je suis d’autant plus touchée par le 11 novembre que l'Autriche a une responsabilité historique et, comme la France, a beaucoup souffert. » Plus d'un million de soldats austro-hongrois sont morts durant le conflit.  

Valérie Sajdik partage sa vie entre sa carrière allemande débutée à 20 ans et sa vie de famille dans l’Hérault. Avant de présenter l’album Amitiés sur la scène du Jazz Corner à Sommières le 14 novembre, celle que la presse germanique surnomme, en français, la Chansonnière, a déjà rodé son récital à Berlin et à Vienne. 

Valérie Sajdik
Valérie Sajdik sur la scène du Theater am Spittelberg de Vienne, en septembre 2025 - © DR

Source URL: https://encommun.montpellier.fr/articles/2025-11-11-france-allemagne-apres-la-guerre-les-fruits-de-la-paix-montpellier