Les carnets d'Arkane pour illustrer le programme de l'Opéra

02-09-25 - 06:30
02-09-25 - 09:22
L'Opéra de Montpellier l'a choisi pour illustrer la brochure de sa nouvelle saison 2025/2026. L'artiste urbain Arnaud Jesus Gonçalvez (Arkane), multiplie collaborations et projets. En attendant sa première exposition solo prévue cet automne à la galerie Nicolas Xavier, dans l'Écusson.
Photo d'Arkane
© S.M.
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Vous avez sûrement vu une de ses fresques géantes dans le quartier Méditerranée, sur un mur du Verdanson ou près de la place Carnot. Il a co-signé avec Clara Langelez le magnifique mobile suspendu sous la verrière du Polygone. Lorsqu'il ne laisse pas sa trace sur un mur de Broadway, de Brooklyn ou de Mexico, il parcourt aussi la France de Lyon à Nîmes, en passant par les Landes, Bergerac ou Conflans-Ste-Honorine. Arnaud Jesus Gonçalves (Arkane) poursuit avec obstination une passion pour le dessin et la peinture, démarrée lorsqu'il avait à peine 4 ans. L'an dernier il a grimpé le sommet des Puechs des Bondons (Lozère) pour réaliser une œuvre sur toile denim pour la célèbre enseigne de jeans l'Atelier Tuffery. Et cette rentrée, il signe la brochure de la saison 2025/2026 de l'Opéra Orchestre National Montpellier. En attendant sa première exposition solo à l'automne. En beauté...

Façade rue de Lorraine, représentant un visage de jeune femme, 2018. Arkane
Rue de Lorraine, quartier Méditerranée à Montpellier : près de l'oeuvre de Swed Oner, le visage de jeune fille réalisé par Arkane, 2018 - © Arkane

Comment avez-vous débuté dans la peinture ?

Arnaud Jesus Gonçalves : Je suis originaire d’Avignon. J’ai commencé le dessin très jeune, j’étais assez doué, avec beaucoup d’obstination. Et puis je suis passé au graffiti. Ce n’était pas tant la lettre que le décor qui m’intéressait. Et très vite j’ai eu la fascination des grands formats. J’ai atteint rapidement un petit niveau, avec la chance d’avoir eu des parents qui m’ont toujours soutenu dans ma démarche. Même lorsque j’ai dit « l’école, les études, j’y crois pas ». Et que j’ai affirmé ma volonté d’être peintre. J’avais passé un Bac STI Arts appliqués et à 18 ans j’ai donc monté mon entreprise de décoration, histoire de montrer que j’étais capable de ramener un salaire. Et je suis allé toquer à la porte des restaurants, des hôtels, des particuliers. Je décorais des halls, des chambres d’enfants… 

Ça a marché ?

A.J.G : Entretemps je me suis installé à Montpellier. J’y ai poursuivi mon travail tout en suivant quelques formations. Je me suis inscrit symboliquement à la fac. Et puis en suivant des cours dans une école d’illustration et de communication, j’ai surtout découvert l’ordinateur. Jusque-là, je ne connaissais même pas Photoshop ou la tablette graphique, qui est devenue aujourd’hui mon outil de prédilection. J’ai donc pu consolider mes bases. Et je pouvais m’adresser à mes clients différemment, leur faire des propositions, « voilà, votre mur il va ressembler à ça », ce qui changeait des explications vagues que je pouvais faire jusque-là. J’ai commencé à me tisser un petit réseau. Mon statut restait précaire, mais je me suis toujours accroché.

Dans l'atelier d'Arkane, tubes de couleurs
© S.M.

Aujourd’hui ?

A.J.G. : Je partage un atelier dans le quartier Rondelet, avec deux autres artistes. Camille Adra – qui a réalisé cette année l’affiche de la fête de la musique – et Olivier Secretan. J’y poursuis mon travail personnel, mais près de 60 % de mon temps est toujours consacré à ce travail de réalisations murales. Mais je suis entré dans un circuit de promoteurs immobiliers, complexes hôteliers, entreprises privées… Avec la possibilité d’interventions artistiques plus conséquentes. Et aussi avec une plus grande liberté de création. J’estime que si les gens me contactent c’est qu’ils apprécient mon travail et qu’ils peuvent donc me faire confiance sur les propositions. Tout s’est fait petit à petit, par des opportunités, à la suite de voyages. Je suis parti plusieurs fois en Amérique Latine, aux États-Unis, en Europe de l’Est. C’est l’occasion d’exporter son travail et de revenir aussi avec des propositions nouvelles. C’est comme ça qu’en 2021 par exemple j’ai été contacté par le Polygone pour la réalisation du grand mobile central réalisé à quatre mains avec l’artiste Clara Langelez. Ou qu’en 2024, j’ai été amené à travailler en collaboration avec l’Atelier Tuffery. Petit à petit, on plante des graines et on se rend compte qu’il y a des choses qui poussent…  

Comment s’est faite la connexion avec l’Opéra de Montpellier ?

A.J.G. : J’ai reçu un jour un coup de téléphone. Un responsable de l’Opéra avait vu la fresque que j’ai dessinée dans le quartier Méditerranée. Un grand portrait, un peu exotique, qui avait plu. Qui reflétait l’image éclectique de la nouvelle saison de l’Opéra. Et on me proposait d’être l’artiste qui réaliserait les visuels intégrés dans le programme. Évidemment, j’étais ravi. C’est toujours intéressant de croiser les univers. J’aime la musique, je fais du piano et ça m’intéressait de faire dialoguer ma création et les œuvres des autres. Même si ce n’est pas le même outil, on essaye de raconter, je pense, la même chose. De proposer des émotions.

couv du programme de l'opéra 2025/2026
©Arkane
illustration pour la Traviata
©Arkane
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couv du programme de l'opéra 2025/2026
- ©Arkane
illustration pour la Traviata
- ©Arkane

Concrètement, comment cela s’est-il passé ?

A.J.G. : Comme un musicien fait ses gammes, moi, dès que j’ai un peu de temps libre, je travaille sur des carnets. Dès que j’arrive à l’atelier le matin, j’ouvre une double page et je me dis « aujourd’hui je vais explorer tel thème », en me fixant des variations de couleur, pour me forcer à sortir de mes acquis et apprendre tout simplement. Alors pour le travail avec l’Opéra, j’ai confié deux de ces carnets, l’un composé d’œuvres à l’acrylique, l’autre contenant des œuvres faites à la peinture à huile. Et à partir de là, ils ont fait des agrandissements et sont arrivés à une sélection d’environ 40 dessins qui pouvaient le mieux faire des connexions avec les œuvres du programme. 

Quel effet ça fait de voir aujourd’hui votre travail sur le programme, sur les affiches ?

A.J.G. : C’est chouette, surtout que j’ai un rapport à l’échelle qui est quotidien. Dans mes carnets, je travaille en format minuscule mais il peut m’arriver en extérieur de travailler sur des façades qui font de dix à quinze ou vingt mètres. C’est aussi un peu comme une consécration, de voir ce travail d’atelier, avec des œuvres qui sont plus des recherches couleur que des œuvres finies, devenir des supports de communication. L’agrandissement permet de voir les épaisseurs, la trajectoire du pinceau. C’est très audacieux de leur part en tout cas. 

Votre actualité ?

A.J.G. : Je prépare actuellement ma première exposition solo, qui débutera le 7 novembre dans la galerie Nicolas Xavier au 2bis, rue Glaize à Montpellier. J’ai eu la chance de pouvoir y travailler tout l’été. J’y présenterai une vingtaine de toiles. Essentiellement autour de deux pôles qui me caractérisent. D’une part l’affirmation de mon amour pour la peinture classique et notamment la peinture à l’huile, avec des formats qui sont assez importants, et donc plutôt chronophages en temps de travail… Et un deuxième volet, initié grâce à une collaboration l’an dernier avec les Ateliers Tuffery, pour présenter tout un travail réalisé à partir des toiles de coton et de lin qu’ils me fournissent. Un travail inspiré un peu de la photographie, puisque les peintures ressemblent un peu à des négatifs, où je pose uniquement de la lumière et toutes les zones d’ombre sont du vide. 

Vue de l'atelier
© S.M.
Vue de l'atelier
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- © S.M.
Vue de l'atelier
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