SOUVENIR

C’était un 27 septembre : les inondations de 1933 ont emporté la famille Orange

27-09-25 - 14:00
Les pluies torrentielles des 26 et 27 septembre 1933, doublées des crues du Verdanson et du Lez, ont fait neuf morts à Montpellier. Cette tragédie qui fait partie de l'histoire de la ville est associée à un patronyme en particulier, celui de la famille Orange. À la Pompignane, leur maison a été emportée par les eaux, tout comme neuf membres de la famille. Sept sont décédés et deux ont survécu.
photo de famille en noir et blanc
La famille Orange réunie autour de Guillaume Orange et de Marie née Roux - © DR
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Les vieilles familles montpelliéraines se souviennent encore de la terrible nuit du 26 au 27 septembre 1933. Notre ville a alors connu l'un des épisodes les plus douloureux de son histoire, celui de pluies torrentielles et de crues impressionnantes du Verdanson et du Lez qui ont dévasté le territoire et, hélas, fait plusieurs victimes. Un patronyme plus qu’un autre agite les souvenirs des anciens, celui de la famille Orange. En effet, la fatalité a voulu que cette tragédie ait pour cadre le quartier de la Pompignane et plus particulièrement la villa Saint-Antoine, située à proximité du fleuve, chemin de la Pompignane. En quelques heures, il est tombé près de 300 millimètres d’eau et de nombreux montpelliérains ont été tirés de leur sommeil pour avoir la vie sauve.

Réfugiés sur le toit de la maison

Dans son édition du lendemain du drame, Le Petit Méridional revient en détail sur la profonde détresse de la famille Orange qui, en quelques minutes, a dû se réfugier sur le toit de sa maison, vers 2h du matin. Personne ne put répondre aux appels au secours tandis que l’eau montait toujours et le grondement du fleuve s’amplifiait. La maison finit par être emportée. « Le flot grandissait sans cesse dans la nuit zébrée d’éclairs lugubres. La famille O qui habitait un petit pavillon de briques était alertée et allait sans doute réussir à s’enfuir, lorsque sous la poussée violente d’un flot nouvellement accru, la frêle maison de briques s’écroulait, au milieu des cris d’horreur et de déchirement. Toute la famille était emportée par le flot limoneux, qui roulait à la vitesse de 50 kilomètres à l’heure environ. (…) Des corps surnagent, plongent même pour passer sous l’arche du Pont-JuvénaI et disparaissent ou se confondent avec les objets les plus hétéroclites que roule le Lez et qui les emporte, loin. » La villa voisine ne résiste pas non plus et une victime sera retrouvée. Il s'agit de Léon Montagne, âgé de 57 ans, employé auxiliaire au service des Eaux... 

Du drame aux pompiers de Paris

En janvier de la même année déjà, Marie Orange née Roux, âgée de 59 ans, avait perdu son mari Guillaume qui avait onze ans de plus qu’elle. À ses côtés la nuit du drame, huit membres de sa famille ont été emportés par les flots. Seuls ses deux plus jeunes garçons – Gabriel, 20 ans, et Jean, 17 ans – en réchapperont. Avec elle ont disparu une de ses filles Clémentine, ménagère de 27 ans ; Jean Bach, son gendre de 26 ans, employé à la compagnie du Gaz, deux autres de ses garçons – Paul, homme de peine de 25 ans et Louis, maçon de 23 ans – René et Jacqueline Lussan, ses petits-enfants de 10 ans et 4 ans, dont les parents n’étaient pas dans la maison du drame.  

Yvette Simoni est l’aînée des douze enfants de Gabriel Orange. Comme ses frères et sœurs et le restant de la famille, elle a vécu toute sa vie avec cette tragédie. « Mon père a tout perdu en une seule nuit. Mais il a su se reconstruire. Il est entré aux pompiers de Paris qui, connaissant sa situation, l’ont pris sous son aile. Ce fut pour lui une seconde famille. Puis, il a construit la sienne, nombreuse et aimante. » Mais il n’a jamais rien caché à ses enfants. « Il a beaucoup parlé de cette histoire mais toujours avec un ton de résilience. Il nous a dit comment les autres sont morts et comment son jeune frère et lui ont pu se sauver. Quand ils se sont tous retrouvés à l’eau, ma grand-mère leur a dit de faire très attention au pont. Tous deux ont réussi à plonger et à passer sous le pont avant de s’accrocher à des arbres. Pas les autres. » Ils seront pris en charge par les secours au petit matin, traumatisés mais en vie. 

Obsèques d’une ville sous le choc

Du fait de la violence des éléments, le pont en ciment armé de la Pompignane a été arraché par le courant et l’eau a atteint sept mètres au Pont Juvénal. Parmi les victimes, le corps d’un des fils Orange sera retrouvé un peu plus tard, du côté du Pont-Trinquat. La dernière victime est Denise Pardigon, limonadière de 64 ans et propriétaire de la guinguette Monplaisir, à Castelnau-le-Lez, établissement détruit par les eaux. Son corps a été retrouvé à Montpellier.

Le 29 septembre 1933, les obsèques de la famille Orange et des autres victimes ont concerné toute une ville encore meurtrie et elles ont eu une résonance bien au-delà de la région. Une chapelle ardente avait été aménagée au Pavillon populaire et le cortège funèbre s'est dirigé vers la cathédrale Saint-Pierre en passant par la place de la Comédie. « Aujourd’hui encore quand je vais au cimetière Saint-Lazare, je vois beaucoup de gens qui s’arrêtent sur la tombe. L’histoire de la famille Orange fait partie de l’histoire de Montpellier », assure Yvette Simoni. Dans les prochaines semaines, la Ville de Montpellier organisera une cérémonie mémorielle pour la famille Orange.       

La pierre tombale au cimetière Saint-Lazare évoque les victimes des inondations de 1933
La pierre tombale au cimetière Saint-Lazare évoque les victimes des inondations de 1933 - © DR

Six crues exceptionnelles du Lez en 125 ans

Lorsque l’on évoque les crues du Lez qualifiées de lézades, il y en a eu six en plus d’un siècle. Il s’agit de celles d’octobre 1891, d’octobre 1907, de septembre 1933, de décembre 1955, de septembre 1963 et de septembre 1976. Ces épisodes automnaux étaient consécutifs de pluies très abondantes. D’autres ont eu lieu dans les années 2000, en septembre 2005 notamment. Dès 1977, sous l’autorité de Georges Frêche et de Raymond Dugrand, de gigantesques travaux intègrent le Lez dans le développement urbain. Afin de sécuriser la population, il est recalibré, sa source est aménagée et ses berges se transforment en lieu de promenade. Par la suite, pour endiguer les épisodes cévenols, des travaux considérables ont été menés sous l’autorité de Montpellier Agglomération sur la basse vallée du Lez pour protéger la ville de Lattes.