SPORTS

Il y a 50 ans, la nageuse Yvonne Godard s'éteignait à Montpellier

22-09-25 - 06:30
Le 22 septembre 1975, Yvonne Godard s’éteignait à Montpellier dans l’anonymat le plus complet. Elle a pourtant été une des nageuses les plus en vue des années 1930 et a participé aux Jeux Olympiques de Los Angeles, en 1932, avec le Montpelliérain René Bougnol. Blessée lors du premier conflit mondial, elle est ensuite devenue infirmière et pilote de guerre.
Yvonne Godard au bord du bassin
© DR
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C’était il y a tout juste cinquante ans. Le 22 septembre 1975, Yvonne Godard s’éteignait dans les locaux du CRLC, le centre régional de lutte contre le cancer à Montpellier, où elle luttait contre la maladie. Originaire de Douai mais installée dans notre ville, elle était domiciliée au n°6 de la rue de la Fontaine de Lattes, au Pont-Juvénal. Avec elle, c’est l’une des plus grandes athlètes de la natation française des années 1930 qui nous quittait, à 67 ans. Hélas, elle est aujourd’hui presque inconnue de nos espaces publics. Même si, ces dernières années, la Ville de Paris a donné son nom à une piscine du XXe arrondissement et celle de Toulouse a renommé, en son honneur, l’ex piscine Pech David. 

Championne d’Europe en 1931

Restée célibataire toute sa vie, Yvonne Godard a mené à Montpellier une existence discrète et précaire qui contrastait avec sa vie trépidante, tant sur les aires de sport qu’en dehors. Son parcours est en effet un condensé de joies sportives, de blessures corporelles et d’un courage à toute épreuve. Son apprentissage de la natation à Douai est totalement contrarié par le premier conflit mondial. Elle est blessée à l’âge de 6 ans par un éclat d’obus et aussitôt obligée de quitter la ville. Mais, elle montre, dès le milieu des années 1920, des dispositions tout à fait particulières pour la natation. Il ne lui faudra d’ailleurs que quatre ans pour rafler tous les records de France de natation en nage libre, du 50 mètres jusqu’au 1 500 mètres et battre deux records d’Europe ! 

À Los Angeles avec Bougnol

Elle décroche son titre majeur en 1931 aux championnats d’Europe qui se déroulent à Paris, où elle est licenciée en club, en obtenant l’or sur le 100 mètres nage libre et le bronze sur le 400 mètres nage libre. Hélas, elle est victime cette même année d’un grave accident de la circulation qui n’est pas son premier. Diminuée, Yvonne Godard fait tout de même partie des deux seules athlètes féminines de la délégation française aux Jeux Olympiques de Los Angeles, en 1932. Elle termine à la 5e place du 400 mètres nage libre. Une déception dont elle aura du mal à se remettre. Le Montpelliérain René Bougnol, lui, brille au palmarès avec sa première médaille d’or en escrime, au fleuret par équipe. 

Arrêt de la natation à 25 ans

Le sort semble s’acharner sur Yvonne Godard. Quelques mois après son retour d’Amérique, elle est victime d’un nouvel accident de la circulation alors qu’elle effectue un déplacement sportif à Barcelone en taxi avec d’autres nageuses, dont la Sétoise Rose Nougaret. Elle s’en sort encore mais avec des blessures sérieuses. Amaigrie, elle tente de reprendre la natation. Les entraînements ne sont hélas pas très concluants et elle se voit contrainte d’arrêter définitivement alors qu’elle n’a que 25 ans. 

Débute alors pour elle une seconde vie, moins médiatique, en dehors des bassins. La jeune femme a du tempérament. Nous sommes en 1933 et Yvonne Godard souhaite désormais devenir infirmière et prendre des cours de pilotage d’avion. Elle réussira sur les deux plans. Elle travaille dans un hôpital militaire. Deux ans plus tard, elle décroche son brevet de pilote. En 1935, elle est aussi victime d’un nouvel accident, en montagne en Savoie cette fois, où elle se fracture plusieurs côtes. Blessée de guerre lors du premier conflit mondial, elle fait partie de cette poignée de femmes qui étaient alors en possession d’une licence. Même si leur rôle de pilote militaire a souvent été limité par les restrictions de l’époque. Elles ont été cantonnées à des activités comme les missions sanitaires ou le convoyage. 

Pendant de nombreux années, Yvonne Godard ne fait plus parler d’elle. Jusqu’à la retrouver dans un appartement de Montpellier où elle vivait seule. À Montpellier, les principaux responsables des clubs sportifs ne savaient même pas qu’elle résidait en ville. Aujourd’hui, dans les archives, quelques rares photos et des couvertures de magazines sportifs de jadis rappellent les exploits de celle qui a eu son heure de gloire mais dont le corps a souffert des accidents de la vie. Contemporaine et amie du nageur Jean Taris, qui a fait lui trois olympiades, ils avaient en commun une certaine polyvalence en sprint et en fond. Yvonne Godard n’a pas eu sa notoriété mais elle est reconnue comme une des premières grandes championnes de la natation française. 

Yvonne Godard résidait au n°6 de la rue de la Fontaine de Lattes, à Montpellier
Yvonne Godard résidait au n°6 de la rue de la Fontaine de Lattes, à Montpellier - © J.C.