Entre Corses, la macagna n’est jamais absente bien longtemps. Cet humour un peu vachard mais amical, à l’attention d’une personne que l’on taquine gentiment, est une caractéristique de l’art de vivre corse. « Mais attention, prévient Marielle Cecconi, le mot ne se prononce pas comme il s’écrit. On dit macagne. » La présidente de l’association Fraternité corse reconnait que l’apprentissage de cette langue est très compliqué : « Elle ne se parle pas au nord de l’ile, comme au sud. Son phrasé est difficile. Gare aux cambiarines, ces consonnes qui, selon leur position, s’entendent ou pas ».
Une langue latine
Tous les lundis soirs, elle se rend à la maison pour tous Albert Camus, à Montpellier pour suivre les cours de corse. Éric Radureau-Fabiani, depuis deux ans, se charge de l’apprentissage de cette langue « plus proche du latin que de l’italien. » Cet Ajaccien, arrivé sur le continent à l’âge d’homme, a toujours parlé corse. Cette langue, il l’enseigne par passion de transmettre. « Elle se parle par les anciens, dans les villages. Dans les villes, les jeunes la délaissent. Beaucoup la comprennent mais très peu l’utilisent quotidiennement. Elle est pourtant très riche et dispose d’un vocabulaire infiniment diversifié ».
Être accepté
Ils sont six, ce soir-là, studieusement penchés sur leur cahier. La plupart sont retraités. Et si presque tous ont des parents corses, très peu ont habité là-bas. Jean-Paul a toujours regretté que son père ne lui ait jamais parlé corse quand il était enfant. Il a comblé cette frustration en prenant des cours depuis quelque temps. « C’est plus facile de demander son chemin quand on comprend la réponse », constate-t-il, pragmatique. Josée se rend régulièrement dans la région de Corte et savoure, dit-elle, la possibilité de parler avec les gens des villages et d’être, en quelque sorte, acceptée. « Car, pour certains, échanger en corse, c’est une façon de faire de l’entre-soi. »
Des racines profondes
Marie-Christine, elle, s’est découverte Corse il y a quelques années, au hasard d’une recherche généalogique. « Cela m’a fasciné et j’ai décidé de partir à la découverte de mon passé familial. La langue est l’une des clefs pour comprendre une culture, une histoire. » Ce que ne peut qu’approuver Éric, le professeur, qui cite une expression corse : « Un ti scorda di a filetta ! N'oublie pas la fougère ! » Plante vivace, aux racines profondes et pratiquement indestructibles, elle symbolise à merveille l'attachement des Corses à ne jamais oublier leur sol d'origine.
Maison pour tous Albert Camus – 118 Allées Maurice Bonafos – 04 34 88 76 84