Elle a grandi au début des années 90 dans un petit village isolé du sud de la Chine, appelé « le trou du serpent ». Dans sa première BD autobiographique, Un Palais au Village, publiée en 2022 aux éditions La Boite à Bulles, Minna Yu raconte l’enrichissement de son père, parti travailler à la ville. Son retour au village, la construction de leur maison avec tous les accessoires du confort moderne : le frigo, la télé couleur, le téléphone… Une ascension sociale qui a bouleversé le village et la vie de la famille, exposée soudain à la curiosité des habitants. Comme un reflet de l’explosion économique de la Chine de l’époque et de la fracture grandissante entre les grands centres urbains et les campagnes, de plus en plus isolées et précaires.
Partir, pour mieux se découvrir
Une Chine avec laquelle, à 26 ans, elle a souhaité prendre un peu de distance. Pour suivre sa voie qu’elle imaginait, depuis l’enfance, centrée autour de l’art, du dessin, de l’image illustrée. Après quelques cours de français, elle débarque en 2014 à Montpellier. « Un peu par hasard, parce que le nom de la ville m’a plu ». Elle y reste quelques mois, le temps de perfectionner l’étude de la langue à l’Université Paul-Valéry. Avant de poursuivre son cursus en graphisme et illustration entre Orléans, la Belgique et enfin l’École européenne supérieure de l’Image d’Angoulême.
Les premières commandes
En 2018, elle laisse un petit message sur la porte d’une maison d’édition jeunesse de Nancy, « Le Verger des Hespérides ». « Je suis illustratrice. Rappelle-moi ». Et quelques jours plus tard, miracle, le téléphone sonne. Avec une première commande à la clé. « Un premier contrat signé, je me sentais légitimée ». Les albums se succèdent, les premiers salons, les rencontres… Minna affirme son trait et sa technique, privilégiant l’usage du papier, des crayons couleurs, des pastels secs. Elle poursuit aussi son exploration de l’édition jeunesse, dont les volumes l’avaient fascinée lorsqu’elle étudiait le français à Montpellier. « J’étais impressionnée par la variété des sujets abordés : la mort, les émotions, la sexualité… »
Bientôt un nouvel album, aux éditions Sarbacane
Son dernier album, Akane, la fille écarlate vient tout juste de paraître aux Editions Hongfei Cultures. En collaboration avec l’autrice jeunesse Marie Sellier. « L’histoire se passe au Japon. C’est une sorte de fable écologique, où une forêt se trouve soudain menacée, alors qu’au pied d’un érable, Akio, le fils du gardien trouve une fille brûlante de fièvre ». Un album qui lui a servi de support lors des rencontres et ateliers menés dans les écoles et les médiathèques de la Métropole de Montpellier dans le cadre de la résidence de création littéraire Lattara dont elle a pu bénéficier du 2 au 31 octobre dernier. « J’ai demandé aux enfants d’imaginer une forêt magique. Leurs idées étaient si belles, des feuilles avec des bras pour trier des déchets, des tulipes qui marchent… que j’en ai pris des notes dans mes carnets ».
De retour à Angoulême, où elle habite depuis plusieurs années, Minna va continuer à travailler sur ses nombreux projets. Expositions, rencontres, dédicaces, concerts dessinés. Sans oublier un nouvel album aux Éditions Sarbacane, qui fêtent cette année leurs 20 ans d’existence.
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Pourquoi as-tu postulé à une résidence de création à Montpellier ?
J’habite à Angoulême, dans un studio de 42 m². Avec une fenêtre qui donne sur la cathédrale. La vue est magnifique. Mais elle ne change jamais. J’ai besoin de voyager, de voir d’autres décors, de rencontrer des gens. Sinon j’ai l’impression d’être comme un lac, où l’eau est morte, ne circule jamais. Une rivière, c’est bien, ça coule…
Quel était ton programme ?
En un mois, j’ai pu assurer six ateliers pour les enfants, dans les écoles, les médiathèques. C’était passionnant. L’occasion aussi d’avoir des retours directs sur mon travail, de la part des enfants qui sont toujours très spontanés. J’aime beaucoup le principe des résidences. C’est une grande chance pour un artiste. L’occasion d’avoir un temps de liberté pour se concentrer uniquement à sa création. Le fait que ce soit court donne un sentiment d’urgence à travailler. Tous les jours je me suis levée à 6h du matin. Il faisait encore nuit quand je regardais mes mails, puis je me remettais au travail jusqu’à 14h, avant de prendre mon carnet de croquis et de partir en ville, à la plage, aux environs, pour dessiner encore et encore.
Tes retrouvailles avec Montpellier ?
C’est une ville que j’aime beaucoup. Évidemment je suis allée voir toutes les expos du moment, au musée Fabre, au Pavillon Populaire, au MO.CO, à la Panacée. Mais ce que j’aime avant tout, ce sont les gens que j’ai rencontrés. Tous mes amis de Fac que j’ai retrouvés. Tout le monde a beaucoup changé. Ils ont des enfants maintenant, un travail…
Résidence de création artistique et littéraire Lattara
La résidence de création littéraire et artistique Lattara, proposée par la Métropole de Montpellier, accueille en moyenne cinq résidents par an. Trois types de résidences sont proposés : création littéraire ; médiation-diffusion ; résidence d’écriture dans le cadre de partenariat. Hébergés dans l’enceinte du musée archéologique Henri-Prades de Lattes, les auteurs et créateurs bénéficient d’un soutien et d’un cadre propice à leur travail de création. En contrepartie, rencontres, ateliers, peuvent être organisés en direction de différents publics de la Métropole. En 2023, neuf auteurs et artistes ont été accueillis par la Métropole.